Vivre dans 15 à 20 m2, beaucoup y pensent aujourd’hui mais le concept, lui, n’est pas neuf. À la fois social et architectural, le Small House Movement est né aux États-Unis dans les années 2000 en réaction au fait que la taille des maisons allait en augmentant alors que celle des familles diminuait. Les micromaisons sur roues ont été popularisées par Jay Shafer et Gregory Johnson, qui ont fondé la Small House Society en 2002 et ce type d’habitat s’est particulièrement développé en Amérique pendant la crise de 2007. Depuis, il a été choisi pour reloger les gens lors de cataclysmes comme l’ouragan Katrina –, mais aussi dans les “Resorts” qui en ont fait l’un de leurs atouts. À l’heure actuelle, avec son côté bon enfant et hypra fonctionnel, il constitue un vrai choix de vie en répondant à de nombreux critères en vogue – retour à la nature, empreinte écologique minimale, attention au climat, envie d’évasion, de liberté, de simplicité – comme aux maîtres mots de la base du survivalisme: autonomie, indépendance, débrouillardise. Une « tiny attitude » où l’on se veut capable de survenir à ses besoins en toutes circonstances.

Petites, mais très bien pensées

De plain-pied, elles se composent en gros, d’une pièce à vivre avec cuisine intégrée, d’une chambre et d’une salle de bain. Si elles déclinent l’essentiel, en revanche ces micromaisons n’ont pas leur pareil pour optimiser l’espace et occuper avec une grande inventivité chaque recoin. Les chambres entre autres sont souvent aménagées en mezzanine. En champion des petits espaces, Ikea a inévitablement imaginé sa très douillette tiny house de 17 m2 sur la base d’une Vista Boho XL de Escape Traveler. Fabriquée en collaboration avec Vox Creative et Curbed, c’est un petit bonheur – écoloresponsable qui plus est – vendu au prix de 60 000 euros avec l’équipement. Une société bruxelloise, Tiny House Brussels (10, Digue du Canal, Anderlecht) se positionne également dans ce secteur qui démarre fort.

Mais voir grand et penser petit ne suffit pas. Comme dit Laetitia, la pionnière créatrice d’une société française de tiny houses nommée Baluchon: “Pour leur conception, il est important de soigner les détails, car ce sont les plus petites choses qui se remarquent le plus”. Leur carte maîtresse? On peut y vivre de façon autonome via des panneaux solaires, un filtrage des eaux usées, un récupérateur d’eau de pluie, le recyclage des déchets ou des toilettes sèches. Idéalement montées sur roues, ces habitations peuvent se permettre de se la jouer nomade et changer de cieux si elles ne dépassent pas les 3,5 tonnes. Au départ uniquement réalisées en matériaux de récupération, elles se sont anoblies depuis et privilégient le plus souvent le bois. Mais notre coup de cœur va à la Disappear Retreat complètement invisible grâce aux miroirs sans tain et donc parfaitement intégrée dans l’environnement puisqu’elle le reflète. Conçue par la designer américaine Carly Coulson, cette architecture basse énergie est encore plus désarmante à l’intérieur où les murs sont le paysage. Selon les modèles, les tailles, les finitions et le degré de confort, les coûts d’une tiny house s’étagent entre 20 000 et 50 000 euros. À l’ère de l’envol des prix de l’immobilier, c’est une promesse!

Quelle place pour l’habitat alternatif?

Leur utilisation est large. Lieu de vie, dépendance, bureau, annexe, les micromaisons peuvent occuper un espace du jardin et accueillir les jeunes comme les plus âgés. Mais avant de sauter le pas, renseignez-vous auprès du service urbanisme de la commune. Idem pour l’achat d’un terrain sur lequel vous comptez la poser. Sympa sur le papier, l’habitat léger (tiny house, yourtes et autres roulottes) fait peur aux autorités qui y voient une similitude avec celui des gens du voyage et craignent l’engouement. D’après le site ecoconso, la législation tient d’ailleurs peu compte de ses particularités et varie selon les régions. A Bruxelles, ce n’est pas autorisé, en Wallonie, de nouveaux arrêtés ont été pris pour encadrer le mouvement et notamment éviter que s’y ruent des bailleurs peu scrupuleux. À la question: faut-il un permis de bâtir?, la réponse n’est toujours pas évidente. Attention aussi aux exigences PEB.

Vous êtes tentés, mais demandez à voir avant de sauter le pas?

Et vous avez raison! Ce n’est peut-être pas donné à tout le monde de vivre dans quelques mètres carrés. Alors, pourquoi ne pas essayer le concept? Si on trouve des tiny houses à louer un peu partout sur la planète (Airbnb), il en existe en France et notamment dans le Maine-et-Loire à Segré (fr.leboulay.org), mais aussi chez nous, à Bruges, Eghezée ou dans le Brabant flamand (The Forest) par exemple. Pour les convaincus qui aimeraient la construire de leurs propres mains, Laëtitia (Baluchon) propose un pas à pas dans son carnet de bord (www.tinyhouse-baluchon.fr). Des remorques spécialement conçues sont également à disposition.

Façon loft new-yorkais

Grâce à son prix abordable et à son originalité, son cousin le container connaît également son heure de gloire. Robuste, durable et original, il ne nécessite pas de fondations, est facilement démontable et transportable et possède un atout clé, la modularité puisqu’il peut s’accoler et s’empiler en largeur, mais aussi en longueur. Son assemblage permet de créer de véritables cocons aménageables à souhait. Les parois extérieures et le toit sont en général isolés thermiquement ce qui assure une température confortable à l’intérieur. La ville de Gand y a pensé pour des maisons sociales, mais aussi des ‘premières’ habitations pour de jeunes couples. Selon Leo Van Broeck, maître d’œuvre flamand, les maisons containers feront partie de l’habitat de demain. Même si certains pointent son côté peu écologique et ses tares avec des arguments tels que: il peut avoir contenu des produits toxiques; le métal laisse passer le froid, il faut donc une isolation importante; s’il n’était pas transformé, il aurait de toute façon été recyclé.

Mincissime

Aux Pays-Bas, à Rotterdam plus précisément c’est la Slim Fit House de l’architecte Ana Rocha qui interroge. Construite sur deux places de parking seulement, elle mesure 4 m de largeur de façade et autant de longueur, soit une surface de 16 m2, mais offre environ 50 m2 d’espace de vie sur 3 niveaux. Au rez-de-chaussée, cuisine; au second, un salon et au troisième, une chambre, la luminosité compensant un certain minimalisme. Elle a aussi été conçue de manière à favoriser le chauffage naturel et la ventilation. Les fenêtres permettent la circulation de l’air à travers le bâtiment étroit tandis que les panneaux coulissants empêchent les pertes de chaleur entre les étages. Si elle peut être autoportante, elle peut aussi “remplir” l’espace entre deux constructions existantes. C’est un palace si l’on songe à cette maison londonienne d’1,7 m de façade – avec cinq étages quand même – construite elle, au début du XXe siècle et dont le prix de plus d’un million d’euros a de quoi décoiffer!!

La « Slim-fit » house: taille de guêpe.

Et pourquoi pas en kit?

Ikea et son concept révolutionnaire ont métamorphosé l’univers du mobilier. Le Leckie Studio, à Vancouver s’en est inspiré et a créé une maison de loisir en kit, à monter à moindre coût et avec une empreinte réduite pour l’environnement. Des panneaux préfabriqués sont insérés dans un squelette de poteaux de bois. Appelé Backcountry Hut Company, ce prototype demande très peu de travail sur place et très peu de main-d’œuvre. L’aménagement est modulable non seulement en forme, mais également en grandeur. En Belgique, avec un slogan ‘le confort du bois massif accessible à un large public’, Systimber a imaginé (pas dans le même gabarit) des murs, sols et toit composés de deux éléments seulement: des poutres en bois et des entretoises métalliques. Deux personnes suffisent pour assembler un bâtiment entier sans grue. La maison peut être bâtie en une semaine. Rapide, évolutif, économique.

La maison en champignons, pas que pour les schtroumpfs!

En collaboration avec la NASA, l’architecte Christophe Maurer et l’équipe de Red House Studio ont planché sur une maison qui utiliserait le potentiel des champignons et plus spécifiquement du mycélium pour s’autoconstruire et se réparer toute seule. On n’a jamais vu plus pratique. Quand un mur est abîmé, il suffit de nourrir le champignon pour qu’il soit restauré. Et le mobilier pourrait être lui aussi, envisagé dans cette matière. Encore à l’état de projet, ce concept devrait d’abord servir aux astronautes sur Mars, mais il n’est pas impossible de le voir un jour pousser sur terre, d’autant que le mycélium a déjà fait ses preuves sous forme de briques comme matériau de construction qui plus est biodégradable, isolant, léger et ignifuge. D’ici qu’on puisse aussi manger sa maison…Kay York