Son studio, niché dans les combles de sa maison Art Déco uccloise, est meublé de quelques spots, réflecteurs, accessoires et, surtout, d’un portant de boutique de fringues qui aligne robes et habits d’un autre temps. Ajoutez-y ce qu’à Bruxelles on résume par brol: chutes de papier, de carton, de plastique, de mousse,  bouts de n’importe quoi qu’on entasse en attendant de leur trouver l’utilisation qu’on pourrait espérer. Ce n’est pas grand-chose, ce n’est rien mais cela suffit à Fab Rideti pour composer, avec ses modèles et beaucoup de talent, des portraits rêvés bluffants de réalisme.

Adolescentes de 13 à 16 ans, sublimées en femmes de pouvoir en devenir, upcyclées en princesse, en dame de cour du Haut Moyen Age, en Souveraine altière, en icône de Primitif flamand, guerrière, grande Prêtresse ou apparition issue de légendes transsylvaniennes imaginées… Artifices que tout cela, napperons de papier et vieux journaux découpés pour en faire une fraise de dentelle, un vertugadin de carton ondulé, des manchettes dans lesquelles on reconnaît la mousse protégeant les alcools des tax-free d’aéroport, plastique d’emballage à grosses bulles devenu collerette et, last but not least, aura rayonnante faite de piques à brochettes.

Fab et ses modèles se sont bien amusées, ça se sent et ça se voit. “Appelez-moi, comme elles, la reine des bouts de ficelle” sourit la photographe, qui avoue “j’aime jouer à faire des images mais à condition qu’elles soient belles”. Elles sont très belles, les photos de cette série qu’elle titre Impermanence, aussi bien sur écran que sur les somptueuses impressions 80x120cm qu’elle en tire et vend, comme les portraits qu’elle réalise sur commande – pas nécessairement costumés ceux-ci.

Sérieuse sans se prendre au sérieux

Le côté décalé qui marque beaucoup de ses images lui permet de faire passer en beauté un vrai message. Elles sont si fortes qu’il s’imprime via la rétine: qu’importent les atours, l’adolescence est une force irrésistible si on a la volonté d’être soi-même. Ce que les portraits de cette série détectent, au-delà de l’apparence, c’est la vraie promesse des personnalités. Fab Rideti traduit cela avec beaucoup de justesse: “Ecarter les signes artificiels externes du pouvoir pour laisser la place à l’expression pure”. Si elle utilise souvent l’humour optique dans les histoires que racontent ses photos, la précision de son propos trahit la pro du marketing qu’elle a été, dans une autre vie. Fabienne, qui ne se prénommait pas encore Fab, a eu le flair de quitter l’univers des parfums pour se passionner pour la photo, à l’École des Beaux-Arts de Versailles. C’est aux États-Unis, à Seattle où elle s’était installée avec son mari, qu’elle a pris son nom d’artiste, “parce que les Américains n’arrivaient pas à prononcer mon nom. Alors, j’ai choisi Fab et Rideti, “sourire” en espéranto…” Les photos-saynètes qu’elle y a shootées, capsules aux détails savoureux avec une touche de l’esprit satirique de Mad, lui ont valu la une de l’édition Art du Seattle Times.

Dénoncer la “génération plastique”

En 2016, Fab et son mari ont quitté les États-Unis pour s’installer à Uccle, ils voulaient que leurs enfants soient éduqués à l’européenne et non à l’américaine. Uccle semble booster sa créativité, tiens. Sa verve acidulée explose dans sa série récente d’“Autoportraits”. Elle s’y caricature de façon jouissive en quelques stéréotypes féminins jubilatoires – bourgeoise de Neuilly, naufragée du confinement, Cougar, rebelle Gothique ou Princesse de Point de Vue – Images du Monde… Et elle va encore un pas plus loin avec “Naphta Tribes”, une nouvelle série dont les personnages dénoncent dans l’outrance notre “génération plastique” qui pollue et asphyxie les océans à coups de milliards de tonnes de déchets irrécupérables jusqu’ici. Pas drôle, même si les images le sont. C’est la galerie Frédérick Mouraux (dans le building Rivoli, à La Bascule) qui en aura la primeur, en mars 2022. Cette année-ci, Fab Rideti fera aussi parler d’elle, elle devrait être à la Affordable Art Fair de Bruxelles en septembre avec la Art Unity Gallery. Et figurera dans la sélection du 18ème concours de la photographie ouverte du Musée de la Photographie de Charleroi. A voir dès le 22 mai.

Stève Polus

0483 416 967

http://www.fabrideti.com