Trois coups pour un nouveau théâtre. Michel Kacenelenbogen et Patricia Ide, co-directeurs du Théâtre Le Public de St-Josse, Boris Dilliès et l’architecte Francis Metzger siègent …  côté cour, face aux bancs du public. Au premier rang, les échevins Perrine Ledan et Jonathan Biermann, tout sourires derrière les masques. Au mur, un panorama bucolique du XIXè siècle peine à humaniser le décor décati de la vieille salle d’audience de la Justice de Paix d’Uccle, néons froids et lambris de bois foncé par des couches de vernis successives. Quelques croquis de plaideurs célèbres dans le style des couvertures d’il y a un siècle du défunt Pourquoi Pas?– Paul-Emile Janson, les Huysmans père et fils dans de grandes envolées de manches – y rappellent que la Justice a toujours été un véritable théâtre.

Boris Dilliès, Michel Kacenelenbogen, Patricia Ide et Francis Metzger

Coïncidence, ils sont précisément affichés sur le mur qui devrait disparaître pour faire place à une salle de théâtre de 300 sièges, avec une scène et un plateau technique complets. La scène fera face au Parvis et à l’Eglise St-Pierre, mais inscrite dans un nouveau volume créé derrière une nouvelle façade semi-ouverte. « Elle devrait « miroiter », offrir un aspect différent selon l’angle sous lequel on la regarde, pour ajouter un élément d’animation à la place, mais rien n’est encore fixé, tout peut changer » explique Francis Metzger, devant les premières esquisses de son bureau ma2. L’architecte, que le Wolvendael magazine présentait dans son numéro de janvier, a réussi la gageure d’aménager deux salles de spectacles (300 places au rez-de-chaussée, 100 au premier étage) et une brasserie-restaurant dans l’ancien bâti, tout en conservant pour l’essentiel son aspect extérieur, anno 1828. Maison communale jusqu’en 1921, Commissariat de Police et Justice de Paix, le 26, Parvis Saint-Pierre a même vécu une période de son existence à l’enseigne de l’Hôtel des Familles, réputé pour sa cuisine et ses soirées dansantes. « Il sera l’Hôtel du Public! » sourit un Michel Kacenelenbogen largement plus barbu et chevelu qu’avant Covid. En 30 ans, avec Patricia Ide, ils ont fait plus que la preuve de leur réussite en matière d’animation culturelle, en créant dans une commune populaire un théâtre qui détient le record du nombre de créations en Communauté française et essaime en travaillant avec les écoles. Près de 10 000 enfants de St-Josse ont appris le théâtre avec Le Public, à la Vénerie de Watermael-Boitsfort, alors pourquoi pas ceux d’Uccle et environs, dans les nouvelles installations du Parvis St-Pierre?

Un budget de 5 millions

C’est une des ambitions des promoteurs du nouveau théâtre. Ils n’en manquent pas. Vainqueur de l’appel à projet de la Commune pour faire – suite à une consultation citoyenne – des 1868 m2 de la Justice de Paix un lieu d’animation culturelle, le duo veut y créer un centre très vivant, ouvert de 8 h du matin à minuit. Question d’offrir, comme à St-Josse, une « expérience utilisateur » complète, spectacle et restauration. « C’est une formidable opportunité pour Uccle d’accueillir ce phare de la Culture qu’est Le Public, avec ce projet, le plus grand investissement dans la commune depuis la création de la salle de sport de Neerstalle il y a 20 ans », dit le Bourgmestre qui rappelle, outre la mutation que connaîtra Uccle Centre, la rénovation de la place de Saint-Job et le projet de Stade national de hockey. Avec ce qu’elle suppose d’équipements techniques, la transformation de la Justice de Paix représente un budget de près de 5 millions d’euros. Le Public disposera des bâtiments aux termes d’un bail emphytéotique dont la durée n’a pas encore été fixée, mais devra financer leur aménagement par un emprunt, avec l’aide de sociétés sponsors et, sans doute, du public lui-même, qui serait par ailleurs convié à participer à la programmation. « Un grand nombre de citoyens sont convaincus et se disent prêts à investir dans la Culture, surtout en ces temps de crise où on n’en a jamais eu tant besoin », dit Michel Kacenelenbogen, qui souligne qu’en cette année noire pour le secteur, Le Public n’a connu qu’une érosion de 5% de ses 9000 abonnés fidèles. Du côté de la Commune, le Collège unanime a été séduit par le projet, qui conserve le patrimoine (une des spécificités du bureau ma2) tout en l’inscrivant dans la modernité et en améliorant la qualité de vie des Ucclois.  Il ne devrait pas créer de concurrence avec le Centre Culturel, mais bien une complémentarité et des synergies, dans la mesure où les jauges des salles (800 places au CCU contre 300 au Parvis) pourraient permettre de répartir les créations, tester d’un côté des spectacles proposés ensuite à un plus large public. Lever de rideau prévu pour la saison 2023-2024. Bientôt, la Justice de Paix tiendra ses audiences dans la salle des mariages de l’actuelle Maison Communale, dont tous les services vont s’installer à la rentrée dans le nouveau bâtiment de la rue de Stalle. Uccle n’a pas fini de bouger. S.P.