Tout un monde dans sa main
A l’approche de la cinquantaine, elle s'est dit que c’était le moment ou jamais de franchir le pas et de faire de ce hobby artistique son métier de cœur: être artiste.
A l’approche de la cinquantaine, elle s'est dit que c’était le moment ou jamais de franchir le pas et de faire de ce hobby artistique son métier de cœur: être artiste.
Natacha Louis: une carrière plus atypique que ça, tu meurs. D’abord formée comme architecte d’intérieur, à Saint-Luc, elle y a pris le goût de l’histoire de l’habitat et des maquettes ultra-précises en fin carton blanc. Puis s’est jetée à l’eau, pour devenir… monitrice de plongée. A rangé ses palmes au vestiaire et fait des études de criminologie et de sciences humaines. A travaillé comme DRH dans une grande entreprise, un job qui lui a valu un burn-out. Elle, qui a toujours été rêveuse et plutôt utopiste, n’y a pas seulement perdu une santé (retrouvée aujourd’hui), mais aussi et surtout l’envie de continuer à travailler dans l’ambiance stressante des conflits de pouvoir. “Depuis plusieurs années, je réalisais, pour leur beauté et mon plaisir, des maquettes de micro-immeubles et quartiers rêvés, parfaitement imaginaires. J’avais un job alimentaire, qui me permettait d’y consacrer un peu de temps. Je l’ai perdu. Alors, à l’approche de la cinquantaine, je me suis dit que c’était le moment ou jamais de franchir le pas et de faire de ce hobby artistique mon métier de cœur: être artiste.”
“Nous avons besoin d’un vivre ensemble vrai”
Natacha n’est pas la première qu’un burn-out force à réfléchir et à prendre du recul mais, chez elle, la réflexion s’est nourrie de ses convictions sociales. Elle concrétise les rêves qui l’habitent depuis longtemps au travers de ses mini-constructions de carton et de papier: “Quand je vois les entassements humains dans notre société et l’effrayante solitude qu’elle génère chez les gens, je me dis qu’il faut recréer de la joie de vivre, du lien, avec des micro-communautés. L’homme n’est pas fait pour vivre seul, il doit retrouver l’espoir d’un projet de vie commun. C’est devenu de plus en plus criant: nous avons besoin d’un vivre ensemble vrai, pas seulement d’eau tiède et de slogans plaqués sur une réalité qui ne change pas. Ces maquettes, que je veux pleines de couleurs et de gaité, sont ma façon de transposer le regard que je porte sur le monde.” Utopie idéaliste? Peut-être, mais en partie seulement. Les maquettes de Natacha sont extrêmement précises, elles respectent une échelle commune et les proportions normales des immeubles, avec leurs hauteurs de plafond, les tailles des portes et fenêtres, etc.
Les architectes qui les voient sont souvent bluffés par la rigueur de Natacha, alliée à une totale exubérance dans la conception. “Je ne fais pas de dessin préparatoire, pas de plan. Mais j’imagine comment les habitants vivraient dans ces volumes tellement imbriqués. Les murs, les sols de chaque pièce, sont coloriés à la main pour que l’ensemble soit joyeux.” Inspirée par la Cité Idéale de Le Corbusier, elle ne compte pas ses heures de travail. Ainsi, réaliser “Parc à vivre ensemble” (chacune de ses mini-constructions porte un nom), une maquette d’ensemble circulaire avec un jardin intérieur, lui a demandé 250 heures de patient coloriage de petites pièces de carton découpées et d’assemblage. Au dernier étage de sa petite maison de la rue François Vervloet, son atelier recèle un trésor minutieusement rangé de feuilles de carton d’emballage, de magazines, de chutes de papier peint. Avec un cutter, des feutres de couleur et de la colle, c’est tout ce qu’il faut pour imaginer un monde. Et le créer. S.P.
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