Trinquons local, ainsi s’intitule la campagne destinée à promouvoir le secteur des boissons locales et artisanales qui fleurit en Wallonie, mais souffre comme tant d’autres des conséquences de la crise du coronavirus. Soutenue par le sommelier et gastronome ucclois Éric Boschman, elle témoigne de la diversité croissante d’une production bien ancrée dans son terroir et ses traditions. Goûtez plutôt. 

S’il existe depuis peu un vigneron installé à Bruxelles (Gudule, nous y reviendrons dans une prochaine édition), la Wallonie peut se targuer d’être devenue une région viticole à part entière avec une quarantaine de producteurs professionnels qui ont produit près de 2 millions de litres en 2018, année exceptionnelle. Mais les vins blancs, rouges, rosés et pétillants ne sont pas les seules boissons locales à connaître un développement fulgurant dans notre plat pays. 

« Ces dernières années, de nouveaux domaines viticoles et de nouvelles micro-brasseries ont abondamment fleuri sur notre territoire, confirme l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité (Apaq-W). Une tendance se dessine également avec la production de softs originaux et de produits à faible taux d’alcool comme le cidre. Sans oublier les distilleries qui foisonnent de créativité avec la multiplicité de gins et de whiskies. » En chiffres, outre les 40 viticulteurs déjà cités, on compte ainsi une centaine de brasseries en Wallonie dont 38 peuvent apposer le logo Local Beer sur leurs bières, mais aussi 45 producteurs d’alcools et de spiritueux, 5 cidreries et plusieurs dizaines de producteurs de jus de fruits non alcoolisés. Outre le fait qu’ils favorisent l’essor d’une production locale, la plupart n’ont rien à envier à leurs concurrents étrangers. 

(c)Pexels

Local is the best 

Ambassadeur de l’Apaq-W et fervent soutien de ces petits producteurs locaux, le Ucclois Éric Boschman fait remonter les racines du phénomène aux temps pas si lointains des crises de la dioxine et de la vache folle. « Une frange croissante de consommateurs se montre de plus en plus soucieuse de l’origine des produits et le local devient une forme de label qualitatif et sympathique, plus encore que le bio. De leur côté, les producteurs affichent une volonté très claire de créer des produits différents dont ils puissent être fiers, dont ils connaissent et garantissent la composition. » Cerise sur le gâteau, avec les confinements successifs, leur zone de chalandise s’est fortement élargie, les clients sont prêts à venir de loin pour accéder aux produits qu’ils apprécient. 

Existe-t-il pour autant une spécificité wallonne dans la confection de ces breuvages qui ne rencontrent pas seulement un succès d’estime, mais dont certains trustent les récompenses dans les concours internationaux – du whisky Belgian Owl aux mousseux de Rufus ou du Chant d’Éole ? « En ce qui concerne l’alcool, le terroir importe peu, c’est plutôt le savoir-faire qui fait la différence », poursuit notre gastronome. Qui cite en exemple les micro-distilleries du Moulin du Loup à La Louvière et Constant-Berger à Chaîneux, portées par de jeunes trentenaires soucieux de « produire des alcools de qualité à des prix raisonnables dans de petits alambics ».  

Du côté de la bière, produite « hors sol », le caractère local est également limité même si ces dernières années, on a vu se développer en Wallonie la culture de houblons locaux et même d’orge brassicole, qui alimentent de plus en plus de micro-brasseurs. Nettement plus récent, mais en pleine explosion sous nos latitudes, le cidre est la boisson alcoolisée tendance du moment. Et là, la Wallonie se distingue très clairement, grâce notamment au travail réalisé par les responsables de la filière pomme à Gembloux Agro-Bio Tech.  

Résistance aux maladies et au climat 

« Au lieu de miser sur des variétés productives, sucrées et aromatiques, ils se sont concentrés sur le développement de variétés locales résistantes aux maladies et aux aléas climatiques, confirme Éric Boschman. Résultat : on commence à trouver des cidres extraordinaires, comme ceux produits par la Cidrerie du Condroz, par exemple. Cette boisson naturelle va exploser dans les prochaines années, d’autant que les sommeliers s’y intéressent de plus en plus pour composer des accords mets-cidres jouant sur la sucrosité, l’oxydation, etc. Rien à voir avec ce qu’on sert dans les crêperies bretonnes ! » 

Reste le vin, à tout seigneur tout honneur. Vigne, sol, sous-sol, climat… Ici, la dimension terroir est prépondérante et, comme le souligne notre sommelier, la Wallonie bénéficie sur ce terrain du changement climatique ! « On a pris près de 1 degré en 30 ans, ce qui correspond à une remontée des cultures de 200 km. Nos producteurs élaborent donc des vins tranquilles et pétillants comme en Champagne et on trouve des choses extrêmement intéressantes, qui peuvent rivaliser avec les plus grands. »  

Leur trait distinctif réside de plus en plus dans l’avènement de nouveaux cépages dits interspécifiques ou multirésistants, qui offrent d’énormes avantages du point de vue environnemental car ils nécessitent moins de traitements que leurs concurrents traditionnels. . Issus de multiples croisements pour mieux résister sous nos latitudes, les solaris, johanniter, regent, pinotin et autres cabernet cortis sont jusqu’ici moins travaillés que le chardonnay et le pinot noir, mais donnent de très beaux résultats. Et notamment d’excellents rouges, plus proches d’un Coteaux-Champenois que d’un Côtes du Rhône, certes, mais particulièrement agréables et bien élaborés. « Certains détracteurs disent qu’on n’est pas habitué à leur goût… Mais était-on habitué à apprécier des vins grecs, italiens ou espagnols avant qu’il ne deviennent à la mode ? » 

Retrouvez tous ces producteurs sur le site www.trinquonslocal.be.