Terrasses: l’armistice du 8 mai
Sur sa terrasse de ‘Chez Musette’, au coin de l’avenue Montjoie et de la rue Edith Cavell, Caroline Case attend ses clients avec le sourire. Ils ne devraient plus trop tarder à présent. Elle peut enfin y croire.
Sur sa terrasse de ‘Chez Musette’, au coin de l’avenue Montjoie et de la rue Edith Cavell, Caroline Case attend ses clients avec le sourire. Ils ne devraient plus trop tarder à présent. Elle peut enfin y croire.
Mais le sourire est crispé et les larmes risquent à tout instant de couler, tant ses attentes, comme celles de ses confrères et consœurs de l’Horeca, ont été déçues depuis plus d’un an. L’épreuve qu’a subi Caroline – et dont elle subira encore les conséquences pendant des mois après la levée de l’interdiction sanitaire d’ouverture –, résume bien les espoirs, désespoirs et tourments de tout le secteur. Comme pour beaucoup, l’Horeca est pour elle un choix de vie, dicté par la passion du contact humain et la recherche de sens. Elle n’en trouvait plus assez dans son premier métier de maquilleuse de cinéma et a d’abord répondu à une proposition de son frère, exploitant d’un café ixellois, le Stam. Elle l’a géré pendant cinq ans avant de devoir le fermer, pour cause de pandémie d’abord. Les charges fixes devenaient d’autant plus insoutenables qu’elle s’additionnaient à celles de son nouvel établissement, son coup de cœur: ce ‘Chez Musette’, successeur de l’ancien ‘L’Oie Unique’. Uccloise de toujours, conquise par la richesse humaine de l’Horeca, elle passait devant le café emblématique, vide, fermé. Et l’a repris, en le reconvertissant en lieu de vie de quartier. Boissons, petite restauration à base de produits frais, ambiance Bal Musette et déco 100 % recyclée et chinée, à commencer par les bancs d’école de la terrasse.
Cassé net
La mayonnaise a pris tout de suite: “Le quartier semblait n’attendre que ça, ça a démarré super bien… pendant sept mois. Et puis, le confinement l’a cassé net.” Asphyxiée par les charges et empêchée de travailler, Caroline aurait pu baisser les bras. Elle s’y est refusée. Impossible de subsister avec une aide totale de 7000 € pour les mois de fermeture obligatoire, avec des charges mensuelles de 3200 € rien que pour Chez Musette. Elle s’est battue, a créé un groupe de pression avec Paul de Béthune du ‘Belga’, Lisa Miller du ‘Pantin’ et Haile Abebe, du ‘Toukoul’ et du ‘Café Béguin’. Ils ont manifesté, rencontré des responsables à tous les niveaux: “Aucun résultat, ils se renvoient la balle, le système se révèle incapable d’aider ceux qu’il oblige à fermer. En Wallonie et à Bruxelles en tout cas*, puisque la Flandre, elle, arrive bien à verser de quoi payer les charges fixes, à peu près 15 % du chiffre d’affaires. Ce sont des clients, des amis et des inconnus, des anonymes, qui m’ont vraiment aidée grâce à l’action “Zuur” de Growfunding. Une solidarité citoyenne magnifique, qui m’émeut vraiment. Mais ça me fend le cœur de voir les gens se substituer à l’Etat qui est censé les protéger…”
*NDLR Depuis, la Commune d’Uccle a institué une nouvelle prime de soutien au secteur Horeca.
Stève Polus
Photo Olivier Polet