De deux passions, elle a fait sa vie et ses défis. L’architecture et le livre d’art. Liliane Knopes pilote à la fois le cabinet Claisse Architectures (avec deux associés) et la maison d’édition Prisme, fondés avec feu son mari. A Uccle, elle se ressource.
Pour Liliane Knopes, tout commence par la passion qu’elle voue à l’architecture. Ce n’est pas sa formation initiale. Cette Luxembourgeoise devenue Belge d’adoption s’est installée à Uccle à 18 ans pour entamer des études d’infirmière. Elle a exercé ce métier difficile pendant quelques années, avant de rejoindre son mari architecte pour œuvrer à ses côtés. Jusqu’au décès prématuré de ce dernier en 2009, à peine âgé de 60 ans…
« Nous étions deux passionnés. J’étais tellement imprégnée par sa créativité que je l’ai suivi à 200 % lorsque son assistante de l’époque l’a quitté. » Ensemble, le jeune couple crée en 1970 le bureau Joël Claisse Architectures, dont Liliane est toujours l’une des trois associées. « Nous avons juste enlevé le prénom de Joël du nom du bureau car des clients le demandaient encore personnellement des années après sa mort », évoque-t-elle.
Leur première adresse se situe rue Victor Allard, où ils rénovent une maison pour laquelle ils décrochent plusieurs prix d’architecture, les premiers d’une longue série. Ils déménageront ensuite sur la place Vander Elst, derrière l’ancienne maison communale, puis passeront avenue Molière à Ixelles avant de s’exiler vers Forest, des années plus tard. « Joël avait un tel besoin de création que, dès qu’il avait achevé la rénovation d’un lieu, il pensait déjà au suivant. » Mais si les bureaux ont quitté Uccle, leur domicile y reste bien ancré. Liliane vit toujours avenue Fond’Roy.
La passion commune les conduit à relever un nouveau défi. En 1995 naît la maison d’édition Prisme, bien connue des amateurs de livres d’art. Les premiers sont des ouvrages d’architecture, qui en doutait ? Bruxelles Ville Nouvelle épingle des bâtiments remarquables dans différents domaines, puis le concept s’étend à la Wallonie, à la Flandre et, bien sûr, à toute la Belgique avec la naissance de la collection Belgium New Architecture qui en est à sa septième édition. Une bible, destinée tant aux amateurs qu’au grand public – pourquoi pas en quête d’un architecte original pour ses propres besoins.
L’avenir des foires du livre
L’architecture forme toujours l’épine dorsale du catalogue, avec notamment des monographies consacrées à un bâtiment ou une rénovation exceptionnelle, en Belgique ou ailleurs. Mais au fil des ans, il s’est étendu à d’autres disciplines. Des arts plastiques à la photographie, en passant par l’artisanat local, Prisme édite en moyenne quatre nouveaux livres par an. Le dernier paru est consacré au photographe belge Jean-Dominique Burton (Visions – 50 années de photographie sur quatre continents). Le prochain sera le tome 2 de Know How, dont le premier volume mettait en lumière le travail de 40 artisans bruxellois. Épinglons au passage les livres consacrés aux photographes ucclois Véronique Boissacq-Allen (Equations) et Benoît Feron (Voyages).
Ensuite, mystère. Notre interlocutrice ne s’en cache pas : les temps sont durs pour les éditeurs de beaux livres. « Les gens achètent moins de livres et beaucoup se contentent de ce qu’ils trouvent sur internet. Nous sommes en pleine transition, un peu à la croisée des chemins. Sans partenariats, je ne m’en sortirais pas. Le public ne réalise pas l’énergie qu’il faut mettre dans ces ouvrages. Moi, je le fais par passion. Cela a toujours été mon moteur et elle est toujours aussi forte. » La passion, encore elle. Celle des rencontres, du partage, des coups de cœur. « Tous mes auteurs sont devenus des amis. »
Entrepreneuse dans l’âme, femme de challenges, Liliane Knopes est prête à se réinventer, encore et toujours. « Je ne sais pas encore quelle sera la prochaine étape, on verra, peut-être faut-il réduire le format des livres, ajouter des QR codes qui permettent au lecteur de pénétrer au cœur des projets ou du travail des artistes… Je ne suis pas fan, je ne crois pas tellement au numérique pour les beaux livres. Ouvrir un livre d’art est un plaisir et ça doit le rester. Mais c’est peut-être une piste. »
Les opportunités offertes au public pour les feuilleter se font malheureusement de plus en plus rares. « Depuis le covid, les gens se déplacent beaucoup moins, tous les salons dédiés au livre sont en train de se restreindre, c’est triste. » Certains ont même disparu, à l’instar de la Foire du Livre d’Uccle jadis organisée au Centre culturel. « Hormis les séances de dédicaces en librairies, ce genre d’événement est le meilleur moyen de permettre aux gens de voir des livres, de les parcourir tout en rencontrant les auteurs. Et peut-être de les acheter, au bout du compte. » D’où le plaidoyer de l’éditrice en faveur de petits événements thématiques, où chacun trouve son compte selon ses centres d’intérêt. L’un dédié à la littérature, l’autre au livre d’art, un troisième à la bande dessinée… « C’est l’avenir des foires du livre qui est en jeu. »
Voyager à Uccle et ailleurs
Tout cela n’entache ni son énergie ni l’amour que Liliane Knopes voue à sa commune d’adoption, ce « petit paradis vert, reposant, épargné par le stress de la ville, où il fait bon vivre et où on se sent bien. » Elle qui vit au Fort-Jaco affectionne les balades en Forêt de Soignes et le shopping à Saint-Job, « qui a gardé le charme d’un village », ou du côté Xavier De Bue / Parvis Saint-Pierre, dont elle apprécie l’animation. Pour ne pas parler des nombreuses librairies du quartier.
Elle regrette en revanche la balafre tracée par cette chaussée de Waterloo qui coupe en deux le Fort-Jaco. « Avec tous les commerces de qualité qui s’y trouvent, ce quartier pourrait devenir idyllique avec un espace public mieux aménagé. » Lorsqu’ils s’y sont installés, son mari l’avait même redessiné avant d’en discuter avec la commune, en vain. « Je réalise que la circulation doit pouvoir se faire sur cet axe de pénétration majeur vers Bruxelles. Surtout depuis que le Bois a été fermé. »
Son attachement à Uccle n’empêche pas Liliane Knopes de voyager, comme elle l’a toujours fait avec son mari. Destinations préférées ? Celles qui permettent « de découvrir d’autres architectures, de superbes projets dessinés par de grands noms, de préférence intégrés à la nature. » Beaucoup ont été réunis dans un ouvrage signé Prisme Éditions et intitulé : Être Archi-bien. Tout un programme…
