Qui n’a pas fait l’expérience de déguster un magnifique rosé en vacances, de s’en procurer deux cartons, puis de le trouver bien fade à la maison? Ou celle du vin magnifique dans la cave du vigneron, mais quelconque de retour au pays? Enfin, le vin présenté sur une échoppe, un étal, qui paraît ensuite moins prometteur?

Lors de la dégustation, le contexte est important. Il conditionne. Il crée une attente. Les psychologues appellent ce phénomène le biais de confirmation d’hypothèse. Nos perceptions gustatives sont biaisées par notre imagination. Si vous vous attendez à ce qu’un aliment ait bon goût, il aura bon goût. Cependant, le biais de confirmation d’hypothèse fonctionne également en sens inverse. Si vous vous attendez à ce qu’un aliment ait un goût désagréable, il aura plutôt un goût désagréable. Autant avoir en tête ces phénomènes: un acheteur averti en vaut deux sobres!

Brownie

Nous parlons toujours de vin, alors pourquoi ne pas prendre des exemples dans le domaine alimentaire? Dans un magnifique ouvrage, Mindless Eating: Why we eat more than we think? (2006) Brian Wansink décrit quelques-unes de ses expériences. Dans un bistrot, à Urbana, Illinois, 175 personnes ont reçu un brownie gratuit saupoudré de sucre glace. L’expérimentateur leur a fait croire qu’il essayait un nouveau dessert. L’air de ne pas y toucher, certains gâteaux étaient servis sur une assiette en porcelaine, d’autres sur une assiette en carton et d’autres enfin sur une serviette en papier. Le croiriez-vous? Les personnes qui ont reçu le gâteau sur l’assiette en porcelaine ont déclaré qu’il était excellent. Celles qui ont reçu le gâteau sur l’assiette en carton l’ont évalué comme bon. Celles à qui on a servi le gâteau sur une serviette en papier l’ont trouvé correct sans plus. Là où l’expérience devient encore plus intéressante, c’est lorsqu’on a demandé aux clients combien ils seraient prêts à payer pour le gâteau. Résultats. Assiette en porcelaine: 1,27 dollars; assiette en carton: 76 centimes; serviette en papier: 53 centimes, soit 41 % du prix proposé pour le même gâteau présenté sur une plus belle assiette! Pensez-y quand vous invitez des amis à la maison. La vaisselle a toute son importance.

Chocolat belge

Outre-Atlantique, le terme “chocolat belge” revêt une signification prestigieuse, autant que la bière belge. Imaginons que vous y ouvriez un petite cafeteria. Si vous mettez un dessert au chocolat à la carte, il vaudra mieux l’indiquer comme “double forêt noire au chocolat belge” plutôt que simplement comme: “gâteau au chocolat”. De plus en plus de gargotiers usent et abusent de cette technique, au point que les descriptions des cartes en deviennent risibles. Le fait le plus intéressant vient après. Ainsi que le note Wansink, après l’avoir goûté, les gens vont mieux noter le deuxième gâteau que le premier, alors qu’ils sont en réalité identiques.

Fidélité à une marque de bière?

Vous pensez pouvoir reconnaître facilement votre marque de bière préférée? Vous pensez que si on vous servait de la Cara Pils en lieu et place de Jupiler vous sauteriez au plafond, dégoûté? Détrompez-vous! Il n’y a pas que le nom de la marque, mais aussi l’emballage, le prix et la publicité qui façonnent nos attentes positives. Toujours le biais de confirmation d’hypothèse. L’expérience a été réalisée avec des étudiants en zythologie à l’école Inter Wine & Dine. Nous leur avons demandé de noter des bières à l’aveugle, dont une bière sans alcool. Aucun n’a réussi à “retrouver” sa marque préférée. Les bières les plus chères n’étaient pas forcément les plus appréciées. Cette expérience rejoint celle sur le test des bières premier prix, dont le lecteur intéressé trouvera le résultat sur le site Inter Wine & Dine: http://interwd.be/test-de-la-meilleure-biere-premier-prix/. Allison et Uhl (1964) avaient déjà mené cette étude en 1964 avec des étudiants du lycée qui prétendaient être fidèles à leur marque de bière. Une fois les étiquettes retirées et la bière versée dans un verre neutre, les participants “fidèles à la marque” ne réussissaient pas correctement à trouver leur bière préférée. F.B.

Déguster est un plaisir et peut le rester, grâce à votre sagesse. Notre chroniqueur, Fabrizio Bucella, est physicien, docteur en sciences, professeur à l’Université Libre de Bruxelles. Il dirige l’école d’œnologie Inter Wine & Dine (Bruxelles). Il a publié quatre livres aux éditions Dunod. Retrouvez aussi ses chroniques en radio sur VivaCité, dans l’émission Vivre Ici avec Vanessa Klak.