Situé près du square du même nom, le projet immobilier Carré Coghen suscite de nombreux débats. Pour les uns, il va contribuer à revitaliser un chancre. Pour les autres, il menace la qualité de vie et le patrimoine du quartier. Après quelques modifications, le permis a été accordé et le chantier est désormais en route.

Carre Coghen-entrée rue du Square Coghen @DR

« Notre demande principale a toujours été le simple respect de la législation urbanistique et du plan Nature de la commune. Or, ce projet a été conçu à partir de dérogations à la loi, ce qui explique que ses proportions écrasent les habitations autour et menacent le patrimoine remarquable du quartier », ajoute Patricia, riveraine et membre du comité de quartier qui s’est mobilisé contre le projet. Les parents de l’École du Centre, quant à eux, étaient surtout inquiets par rapport aux vis-à-vis importants, à l’impact du projet sur les activités de l’école et sur le trafic aux abords de celle-ci.

Plusieurs de ces préoccupations ont été entendues par les autorités lors d’une première commission de concertation organisée début 2019. La Région a émis un avis défavorableen raison, entre autres, d’une implantation trop profonde en intérieur d’ilot et d’une densité trop importante, alors que la commune s’est prononcée favorablement tout en imposant des conditions comme la réduction du nombre de studios et de certains gabarits.

Carré Coghen – Jardin collectif

DES CRAINTES PAR RAPPORT AU SOUS-SOL

Le promoteur Galika a donc dû revoir son projet et a rentré un nouveau dossier avec 43 logements au lieu de 62. Cela n’a pas suffi pour rassurer les riverains, dont plusieurs jugeaient les modifications superficielles. « Malgré la diminution de logements, le projet restait en surdensité avec presque le même nombre d’habitants et de superficie », souligne Patricia. Les habitants et usagers du quartier se sont donc à nouveau mobilisés durant la seconde enquête publique, qui a généré environ 300 réclamations.

Lors d’une deuxième commission de concertation en septembre 2020, ils ont notamment rappelé leurs craintes quant à l’impact du projet sur le sous-sol et l’intérieur de l’ilot. « Le rapport d’incidence environnementale ignorait les particularités hydrogéologiques de la zone comme la présence de sources et d’affluents de l’Ukkelbeek,» souligne Patricia. « De plus, le projet prévoit un pompage de la nappe phréatique qui risque de menacer la stabilité des constructions aux alentours. »

La commune et la Région n’en ont pas moins rendu un avis favorable au nouveau projet, à certaines conditions dont la réalisation d’études hydrogéologiques. Selon Anne-Catherine Galetic, promotrice du Carré Coghen, cette démarche a permis d’écarter les risques : « Le rapport d’études a clairement établi qu’il n’y avait aucune problématique ni fragilité particulière à cet endroit. »

Le permis du projet a finalement été délivré en juin 2021, au grand dam des citoyens qui avaient lancé quelques mois plus tôt une pétition pour obtenir une troisième enquête publique – qui n’a pas eu lieu. Des riverains soutenus par des habitants du quartier et l’Association de parents de l’École du Centre ont tenté cet été un recours en suspension auprès du Conseil d’Etat, mais il a été rejeté. Le chantier a donc commencé début août avec la démolition des bâtiments présents sur le site. « Celle-ci se terminera avant la rentrée scolaire afin de limiter les nuisances pour l’école voisine », souligne la promotrice.

Carré Coghen – vu de la rue du Square Coghen

UN COMPROMIS QUI NE FAIT PAS L’UNANIMITÉ

Si le Carré Coghen est sur les rails, les craintes et critiques n’ont pas disparu. Ann-Michèle, Patricia et plusieurs habitants ou usagers du quartier ont le sentiment de ne pas avoir été entendus et auraient notamment souhaité un engagement plus poussé de la commune pour garantir le respect de certaines conditions ou empêcher les dérogations au règlement urbanistique. L’échevin de l’Urbanisme Jonathan Biermann se veut pourtant rassurant : « Il y avait six dérogations dans le projet initial, il n’en reste plus que deux à propos des toitures plates et du retrait des façades par rapport à la rue, et elles ont été accordées car le fonctionnaire délégué de la Région les jugeait motivées et raisonnables. La commune a aussi imposé des conditions strictes en matière de densification, tenant compte de l’évolution importante du quartier ces dernières années. »

Bien que plusieurs riverains ne le voient pas de cette façon, l’échevin et la promotrice soulignent que le Carré Coghen vise à embellir le quartier en remplaçant un ensemble peu harmonieux par un projet qui se veut esthétique et qualitatif, notamment en s’inspirant de l’architecture moderniste environnante. Elle-même habitante du quartier, Anne-Catherine Galetic espère que ce sont désormais ces aspects qu’on retiendra du nouvel ensemble : « J’aurais préféré faire mon premier projet, les riverains auraient préféré de nouvelles adaptations. Au final, nous avons un compromis et certains citoyens ont revu leur position au point d’envisager d’acheter des appartements dans le Carré Coghen ! En tant qu’habitants d’Uccle, on devrait mettre la guerre derrière nous et se réjouir que ce chancre soit remplacé par du logement de qualité, qui va amener une nouvelle population et contribuer au dynamisme économique et culturel du quartier. »