« Je vais promener ma truffe » avait l’habitude de dire JDD quand il partait, tel un chien de chasse, flairer tout ce qui pouvait ravir sa curiosité et nourrir sa culture, immense. Claudia Ritter, son épouse, a choisi cette jolie expression pour en faire le beau titre d’un superbe bouquin, qui égrène des témoignages venus de partout. Ils disent, en plusieurs langues dont le catalan (traducteur, Jacques De Decker était le seul écrivain belge vivant capable d’écrire dans nos trois langues nationales), tout ce que lui doivent des talents aussi différents que ceux d’Alain Berenboom, Vincent Engel, Bernard Foccroulle, Béatrice Delvaux, Colette Braeckman, Tom Lanoye,  Benoît Peeters, Amélie Nothomb, Pietro Pizzuti, Thierry Fiorilli, Pascal Vrebos, Geert Van Istendael, Pierre Mertens, Amin Maalouf, Caroline Lamarche, Francis Dannemark, Jean-Claude Vantroyen, Armand Delcampe, Paul Emond, Guy Duplat, Jacques Franck, Philippe Rémy-Wilkin – qui fignole un essai sur le disparu… Impossible de les citer tous: ils sont 180! Tristes et heureux tout à la fois d’évoquer cet homme qui, en passant dans leur vie, les a nimbés de sa lumière.

Comme le furet de la comptine, le furet du bois joli, il court, il court, Jacques, on le voit partout

(Jean-Philippe Toussaint)

Jean-Philippe Toussaint, Prix Rossel et Prix Médicis, les résume bien: « Comme le furet de la comptine, le furet du bois joli, il court, il court, Jacques, on le voit partout sur les photos, on le suit et perd sa trace, il est passé par ici, il file déjà par là, à Bruxelles, dans son bureau de l’Académie, dans les couloirs du Soir, au Cercle Gaulois, chez Pêle-Mêle, au Chapitre XII, à Flagey, à Passa Porta, dans une nacelle de la Grande roue, assis sur une boule de l’Atomium, incognito sur un quai de la Gare du Midi, au parc Tenbosch, sur l’estrade de la Bibliothèque des Riches-Claires. Il est devenu Zelig, Jacques, il nous donne le vertige, on le croise dans les vernissages, les rencontres littéraires, les inaugurations, il court, il court, Jacques, il est passé par ici, il repassera par là, à Ostende, à Waterloo, à Berlin, les souvenirs publics se mêlent aux souvenirs privés, Jacques à Venise, avec Claudia, lors de l’anniversaire de mariage de mes parents, Jacques dans un vaporetto, Jacques à Seneffe, parmi les traducteurs du monde entier, Jacques était partout, Jacques est partout, et il le restera, l’œil malicieux et le sourire modeste, tandis qu’on lui témoigne notre reconnaissance, notre gratitude et notre admiration. » S.P.

Ed. Marot, 352 pages, 180 illustrations. En librairie et sur réservation – www.cleverland.communications.eu

Claudia Ritter et Vincent Engel ont par ailleurs rassemblé des textes sous le titre L’autre Grand Jacques (Labor Editeur, coll. Périples). 

Voir aussi la Bourse Jacques De Decker créée par Passa Porta