GASTRONOMIE

Après plus d’un an de fermeture pour travaux, l’étoile gastronomique du Vivier d’Oie entame une nouvelle vie qui se veut plus moderne, plus jeune et plus démocratique. Au four, au moulin et toujours à la presse à homard, le chef Yves Mattagne (ex-Sea Grill) retrouve lui aussi une nouvelle jeunesse.

Pour réussir le pari de la modernité, il ne fallait pas seulement rajeunir le cadre et le concept – on y reviendra –, encore s’agissait-il de trouver le cuisinier capable de relever le défi… sans faire fuir les derniers fidèles. Heureux hasard du calendrier, l’une des valeurs les plus sûres, aguerries et médiatiques de la gastronomie nationale, Yves Mattagne s’est retrouvé sans cuisine en 2019, quand le propriétaire de son Sea Grill bruxellois, l’hôtel Radisson, a fermé ses portes pour une rénovation en profondeur. La Villa Lorraine lui a déroulé un nouveau tapis et l’illustre chef a pris ses quartiers à la frontière d’Uccle avec toute son équipe, sa carte, son expérience… mais pas sa couronne doublement étoilée. Gageons qu’il ne lui faudra pas longtemps pour recevoir la visite des inspecteurs du célèbre petit guide rouge.

« Tout le monde pourra se retrouver dans la cuisine proposée par Mattagne, qui amène beaucoup de jeunesse, de fraîcheur et de créativité à la carte », estime Tatiana Litvine.

« Les habitués y gagneront au change, les clients du Sea Grill ne seront pas dépaysés et nous espérons attirer de nouveaux curieux, une clientèle plus jeune friande de découverte. » C’est à ces derniers que « La Villa Lorraine by Yves Mattagne » a pensé avec son bar lounge et branché servant « une cuisine de partage inspirée par mes voyages », résume un chef qui semble avoir rajeuni de 20 ans – le temps qu’ont duré les étoiles du Sea Grill – face à ce nouveau challenge au parfum d’aventure. « Une seule cuisine mais deux ambiances et les clients peuvent passer sans chichis de l’une à l’autre », poursuit le maître-queux des lieux.

Pour prendre un verre au bar avant ou après leur dîner gastronomique, ou déguster ces délicieux « plats pour deux que l’on commande au fur et à mesure » : ventrèche de saumon façon fish sticks (15 €), dumplings de langoustine et foie gras (24 €), anguilles fumées laquées crispy rice (19 €), mini- burgers de ris de veau (28 €), tartare de thon comme au Sea Grill (34 €) et gaufre de Bruxelles sauce noire du Midi (14 €), par exemple. Dans une ambiance décontractée, bercée par une musique jazzy et une lumière plus tamisée.

TOUT SAUF COINCÉ

Juste à côté et sans transition, en salle et en terrasse, les gastronomes retrouveront les plats signatures du chef et ses nouvelles créations, qui s’étofferont progressivement. Du homard à la presse (95 €, lire l’encadré) au turbot rôti à la béarnaise d’huître (85 €), en passant par le pigeon d’Anjou en pastilla (58 €), le cabillaud au chou kimchi (56 €) ou les langoustines flambées au saké et foie gras (68 €) – à moins de se laisser emporter par le menu Inspiration en 3 (lunch), 5 ou 7 services. Sans oublier les incontournables, comme la découpe en salle ou les chariots débordant de fromages et desserts. On joue ici dans un registre plus haut de gamme et coûteux, mais l’ambiance reste résolument cool.

« Tout sauf coincé », affirment en cœur les hôtes de l’endroit, preuve à l’appui. La fraîcheur et le dynamisme du personnel y sont pour beaucoup, mais c’est surtout la déco qui décoiffe. Espaces aérés, salons arborés, zénitude de doré et rose poudré, bar magistral façon grand hôtel, songe végétal en cerisier du Japon, banquettes en velours, table haute en marbre pour les moments de partage, vinothèque transparente et cuisine ouverte… On frise ici la révolution (de palais). Marcel Kreusch, le créateur du restaurant dans les années 1950 qui l’a porté au sommet de la fine cuisine belge, ne devrait pas en prendre ombrage : l’ancienne verrière marquée du sceau du fondateur laisse toujours passer sa lumière.

© Kris Vlegels