Des étoilés et des buvettes de clubs sportifs, des caberdouches et des estaminets, des institutions ancestrales et des tables hyper tendance, des cuisines du monde et des bars à vins branchés… Avec ses 242 établissements horeca au compteur, Uccle « n’est pas une commune où la gastronomie a oublié de s’installer », souligne un célèbre chroniqueur culinaire.

Coup de pub ou coup de colère ? Refroidi par les fréquents embarras de circulation qui, selon lui, découragent de plus en plus de nos concitoyens à se rendre dans le centre de la capitale, le patron du restaurant Le Rabassier a récemment annoncé son intention de quitter le quartier du Sablon pour s’installer à Uccle, près du parc Wolvendael. Il rejoindra ainsi la vingtaine de maisons de bouche qui ont choisi cette année d’ouvrir une adresse dans la commune, puisque le nombre d’établissements horeca y a grimpé de 224 unités fin 2021 (en baisse par rapport à la période pré-covid) à 242 fin septembre 2022 – soit une augmentation nette de 18 adresses. Autant dire qu’à Uccle, ceux qui aiment passer à table à l’extérieur ont l’embarras du choix.

« On est gâté de ce point de vue-là, se réjouit l’échevine de l’Économie et du Commerce, Valentine Delwart. Entre les grands classiques où j’allais déjà manger avec mes grands-parents, comme les Brasseries Georges ou le Hoef, et des nouveautés qui sortent de l’ordinaire comme St Kilda ou Mêzon, les amateurs de bonne cuisine ont beaucoup de possibilités de découvertes à Uccle. L’offre y est extrêmement diversifiée, de la gastronomie de haut vol aux adresses plus familiales, en passant par celles où on peut manger sur le pouce. Dans certains quartiers, comme Saint-Job, le Parvis, Calevoet ou Fort Jaco, on peut vivre tous les jours une expérience différente. Et si certains, comme l’excellent Racine Carrée, ont choisi de s’installer dans des quartiers plus excentrés (ndlr : celui de l’Ecole européenne, en l’occurrence), cela ne les empêche pas de fonctionner très bien. »

Beaucoup de pépites

Journaliste, éditeur et gastronome, auteur notamment du célèbre Mange Bruxelles, le Ucclois René Sépul ne dit pas autre chose. Mais il glisse un bémol : « En matière de restauration, l’offre est très large mais elle reste relativement classique. Uccle n’est ni en avance, ni à la traîne, elle s’inscrit dans le mouvement général de Bruxelles : on peut bien y manger si l’on veut bien manger. Mais même si on a vu récemment apparaître l’une ou l’autre adresse plus tendance, comme l’excellent Ivresse au Parvis ou le sympathique Refuge à Saint-job, il n’y a pas ce côté bouillonnant des communes voisines comme Saint-Gilles, le haut d’Ixelles ou Bruxelles-Ville. On y voit encore peu de ces jeunes chefs décomplexés qui développent des projets basés sur une alimentation locale et plus végétale, avec une réflexion plus ’’politique’’ sur la restauration. Ce mouvement venu de Flandre et qui essaime encore timidement en Région bruxelloise. »

L’ex-chef et chroniqueur gastronomique RTBF Carlo De Pascale partage ce point de vue. « Uccle n’est pas un leader sur le plan culinaire et n’est ni une commune qui bouge, ni une commune où la gastronomie a oublié de s’installer. On y trouve beaucoup de pépites, comme Tontons et son petit concept de délicieux spaghettis bolos à la belge, les Petits Bouchons qui navigue entre la belgitude d’un caberdouche bruxellois et le bouchon parisien – pour moi, c’est une vraie star ! –, une valeur sûre comme le Pigeon Noir ou la nouvelle formule du Ventre Saint-Gris, repris par deux petits jeunes qui savent y faire. C’est ce que j’appelle des restos de quartier ++ : des tables hyper enracinées dans leur quartier mais qui attirent des clients de partout. »

Des nappes sur les tables

« Moins avant-gardiste, plus ancrée peut-être pas dans la tradition mais dans le confirmé, la restauration à Uccle reste dans le ’’bon ton’’, à l’image de la commune, ajoute le sommelier et humoriste ucclois Éric Boschman. Le côté un peu plus bourgeois qu’on peut lui trouver ne me dérange absolument pas : j’aime les restaurants où l’on met une nappe sur les tables. Et surtout, il n’y a pas le turn-over qu’on voit dans les communes voisines. Qu’on parle de brasseries de qualité comme le Relais Saint-Job et le Parvis – mon stam café –, de valeurs sûres comme Bouchery ou de pépites comme le très rock&roll Petits Bouchons, tous peuvent s’appuyer sur une clientèle fidèle qui aime la qualité, la régularité et sait où elle met les pieds. On sait pourquoi on choisit d’aller manger quelque part et on n’est jamais déçu. »

« Il est certain que l’offre s’adapte à la demande, confirme Valentine Delwart. La population uccloise aime la découverte – l’arrivée de nouvelles adresses plus tendances et décomplexées le prouve – mais elle aime aussi pouvoir s’appuyer sur des valeurs sûres et des institutions. Il y a aussi une clientèle plus âgée, qui a ses habitudes. Pour fonctionner à Uccle, une adresse comme La Meute, dont l’enseigne originale à Flagey ne prend pas de réservations, ont dû s’y résigner car la clientèle locale a besoin d’être sûre d’avoir une table dans le restaurant où elle a envie d’aller. »

À l’instar de La Meute, plusieurs restaurants nés dans d’autres communes ont ouvert une seconde adresse à Uccle. C’est le cas du fameux Ivresse, spin-off du Dillens Saint-Gillois, de Colonel, également né à Saint-Gilles et qui cartonne au Fort-Jaco après une ouverture en plein covid, de la brasserie Ma Poule, lancée par les concepteurs du très populaire Kzeg a Moda de Drogenbos. « Ils ont parfois étrenné leur concept ailleurs et fait leurs maladies de jeunesse avant de soumettre leur concept à une clientèle exigeante mais fidèle, auprès de laquelle il faut faire bonne impression dès le début, ponctue l’échevine. Leur adresse uccloise est souvent l’une de celles qui fonctionne le mieux. »

Exigeante mais fidèle… Les doigts des deux mains ne suffisent pas à compter les restos qui ne désemplissent pas depuis leurs débuts même lointains, tels le Repos de la Montagne, la Branche d’Olivier, le Rallye des Autos, le Vieux Spijtigen Duivel, le Café Maris, un Guignol ou un Petit Pont, pour ne citer qu’eux. Parmi tant d’autres.