Vignoble ucclois

Deux cents bouteilles de vin bio à siroter, donc ! Produits des quelque deux cents pieds de vigne d’une quarantaine de variétés, dont certains ont plus de quarante ans. « C’est une bonne année parce qu’il a fait très chaud ». Pour le raisin, c’est l’idéal. Et comme le vignoble, orienté nord, n’est pas très bien exposé, c’était plutôt un avantage : « les vignes ont pris la chaleur, sans les brûlures du soleil. » Il n’a pas beaucoup plu, donc il n’y a pas eu de maladie, et il n’a pas fallu le traiter. « Par contre, les raisins sont sucrés mais les grains sont petits, et ne donnent donc pas énormément de jus », explique sur le terrain Gérard Rivoalan, qui se charge actuellement de la gestion du vignoble du Kauwberg, initié par Marc De Brouwer dans les années 80.

Les raisins de la convivialité
« On pourrait tout vendanger en une journée mais on est surtout contents de se retrouver », reprend Gérard Rivoalan, qui a suivi une formation de deux ans en viticulture pour apprendre à tailler et à vinifier, « indispensable sinon on ne s’en sort pas. » Ce qui tombe assez bien parce qu’après la vendange, il faudra grapper, fouler, presser les baies pour récolter le jus avant de le laisser fermenter dans des fûts, le décuver, le filtrer d’une cuve à l’autre pour le rendre plus limpide à l’aide de procédés tout à fait naturels, puis le mettre en bouteille pour enfin se le partager et le boire !

Curieux de nature

C’est en 1989 que Marc De Brouwer, alors professeur de mathématiques, plante sur un terrain entre la rue Geleytsbeek et le Lycée français des pieds de vigne vinifera, la vigne traditionnelle qu’il mélange à des hybrides, cultivés par d’autres amateurs belges. Si la qualité des vins plaidait en faveur des vinifera, celles-ci exigeaient de nombreux traitements à base de soufre et de cuivre, pour les protéger de l’oïdium et surtout du mildiou. Ce rythme soutenu, tous les dix jours en cas d’été humide, ne permettait pas au professeur de prendre des vacances avant le quinze août et la véraison – début de coloration des grains. « J’ai découvert les interspécifiques qui se contentent de deux à trois traitements bio et donnent des vins de bonne qualité. J’ai donc remplacé progressivement les vinifera par des espèces qui avaient la cote fin des années 1990 : Bianca, Phoenix et Sirius en blanc, Nero, Regent et Rondo en rouge. Cela m’a permis de prendre des vacances plus longues début juillet, en famille avec mes jeunes enfants, et de cultiver la vigne de façon bio, en plus ! »

Vigneron, vinificateur et naturaliste, enseignant dans l’âme, Marc De Brouwer aime découvrir et tenter d’autres pratiques qu’il partage dans ses ouvrages ou sur le terrain. « Ces activités à la fois manuelles et intellectuelles m’ont permis de trouver mon équilibre en me retrouvant dans les vignes après une journée avec des adolescents de 12-15 ans. Mon vignoble est à but uniquement expérimental et pédagogique, je n’ai jamais voulu en tirer un quelconque profit », avoue l’ex-professeur de maths.

Vin de panique
Gros pépin lorsqu’en 2007 le terrain du Geleytsbeek se vend. Les vignes sont alors taillées court et placées en jauge dans de profondes tranchées pendant deux ans, le gel en sacrifiant quelques-unes. « Ce qui a par ailleurs fait de la place pour planter et tester d’autres variétés. » Sans perdre la raison et pour sauvegarder son raisin, le professeur ne lâche pas la grappe à la commune jusqu’à obtenir un terrain de cinq ares, classé site Natura 2000, au pied du Kauwberg. Si chaque sol donne à la vigne une expression particulière, les deux terrains ayant la même orientation, pas idéale, et le même type de sol, les vins n’ont pas été modifiés. « L’intérêt d’une mauvaise orientation c’est que si cela réussit ce sera encore mieux dans de meilleures conditions, fait remarquer Marc De Brouwer. Toutes les expériences sont intéressantes ! »

@cdb

Depuis le moyen-âge

La présence de vignobles dans notre pays ne date pas d’hier. Au XIVe siècle, il y avait quatre ou cinq vignobles à Uccle, chaque seigneurie avait le sien : Carloo, Stalle, etc.. Le refroidissement du petit âge glaciaire et les besoins en blé ont eu raison de 95 % des vignobles qui se sont réfugiés dans la vallée de la Meuse. “Mais, avec le changement climatique, nous avons aujourd’hui les conditions qu’avait la Champagne il y a trente ans et nous nous rapprochons de celle de la Bourgogne des années soixante. Toutes ces conditions sont favorables à une viticulture qualitative qui est en plein essor”, remarque celui qui travaille depuis plusieurs années à écrire l’histoire de la vigne en Belgique.

À  lire : Traité de vinification, de Marc De Brouwer. CEP vdga Editeur. Le best-seller pour réaliser son vin dans les régions septentrionales.