« On fait notre popote, on bosse ! » 
Phuong (prononcez Foung) Ngyuên fait partie de ces Viêt-Kîeu, ces Vietnamiens d’outre-mer, comme les appellent ceux restés au pays. Arrivée ici à 3 ans, suite à un regroupement familial,  elle n’a aucun souvenir du Vietnam : « L’histoire de nos familles a souvent été douloureuse. Toute la génération de mes parents a connu la guerre. Pour eux, s’expatrier c’était mettre leurs enfants à l’abri et leur offrir un avenir. Aujourd’hui, on ne fuit plus le Vietnam – d’ailleurs, après leur divorce mon père est retourné au pays –  mais dans les années 80, c’était encore très difficile, très communiste, avec les coupures de courant, les rationnements… » 

Phuong Ngyuên et son mari Yan Rault

Ses parents, de simples employés la pousse à faire des études, comme beaucoup de Vietnamiens d’origine : un parcours on ne peut plus belgo-belge, études à Saint André à Ixelles, puis Saint Louis et enfin l’IAG Louvain-La-Neuve. « Grâce à ma formation en management, j’ai beaucoup voyagé pour mon boulot, puis je suis devenue maman et ai perdu mon emploi ». Soutenue par son compagnon, Yan Rault, elle crée son propre business à Uccle il y a un an : Pyrang, épicerie de produits asiatiques fins et recherchés « que j’ai voulu un peu à l’image d’un Rob », précise la jeune femme. Oui, contrairement aux clichés, tous les Vietnamiens ne font pas de la restauration, même s’ils sont très bons ! 

Le nom Pyrang, nos initiales, est une belle image du lien belgo-vietnamien   

Pyrang cartonne, en boutique comme en ligne : plus de 1600 produits d’épicerie de qualité venant de Chine, Japon, Corée, Thaïlande, Vietnam, Inde. Des Ramune soda non alcoolisés aux couleurs pop et des moshis dont les ados raffolent, pour les parents, souvent des papas ucclois qui cherchent des recettes faciles, il y a la recette de Pyrang (ci-dessous). « Pour les nombreux amateurs de canard laqué, nous avons LA référence en la matière : Lee Chi Ko », ajoute Phuong. Si trouver ces références, dénicher les tendances, s’adapter à la demande de la clientèle uccloise demande beaucoup d’énergie, « mais on adore », dit-elle en souriant. « Pour ma génération, ce qui nous porte, renforce notre ambition et, mine de rien, facilite notre intégration, ce sont les valeurs transmises par nos parents : le respect du travail et des aînés, bref, on fait notre popotte, on bosse ! ». Mais pas que : « À Uccle, il y a un tel choix de commerces, d’écoles, de clubs de sport, et tout est à proximité, en plus c’est une commune propre et tellement agréable à vivre et les parcs, Brugmann, Wolvendael… , j’adore ! », conclut-elle. 

Assortiment de chez Pyrang à la Bascule

Pyrang offre une large gamme de produits asiatiques nés de la passion du goût et des saveurs des fondateurs Phuong Nguyen & Yann Rault qui vous feront voyager de l’Inde jusqu’au Japon en passant par le Triangle d’Or.  

Chaussée de Waterloo 715 – 1180 Uccle T. 02-660.53.68 

 . Boutique en ligne www.pyrang.be/shop 

« J’ai deux pays et plus encore de racines » 

Tuyêt-Nga Nguyên, écrivaine

Quand j’entre quelque part, je suis encore surprise par le regard curieux des gens. Devenue Belge sans m’en rendre compte, j’en oublie mes traits asiatiques et m’étonne qu’ils étonnent.

Née au Nord Viêt-Nam, Tuyêt-Nga Nguyên a grandi dans le Sud. Venue étudier à l’ULB, elle a épousé un Belge dont elle a trois enfants. Une fois les « devoirs » d’épouse et de mère accomplis, Tuyêt-Nga a repris la plume, comme lorsqu’ adolescente, elle tenait son journal pour y raconter le chagrin d’une enfant dans un pays en guerre.   

« Quand j’ai enfin commencé à écrire, tout était en place pour que je puisse le faire dans les meilleures conditions. Mes enfants vivaient leur vie, et j’étais dans un environnement de rêve : la vue sur le Plateau du Kauwberg, le Parc de Wolvendael, l’Observatoire et le tram 92 qui m’emmène partout (comme dit la pub de la STIB, j’ai mon chauffeur personnel !) Uccle m’a adoptée et je l’ai adoptée (rires) ».   

Tuyêt Nga Nguyên rend un bel hommage au Parc de Wolvendael dans son dernier ouvrage Belgiques :  l’origine du Parc, son jardin à l’anglaise, ses arbres remarquables, ses allées aux noms d’artistes ucclois. « Brel est le seul chanteur à y avoir son allée, car il a donné un de ses premiers concerts au Parc », précise-t-elle.   

Avant Belgiques, l’autrice racontait son pays d’origine déchiré par la violence des armes. Le Prix des Lycéens 2008 pour Le journaliste français, et Soie et Métal, se voit finaliste du Prix des Cinq Continents 2020. Ajoutons à ces distinctions, le tout récent prix de l’UCOBEL, United of Colours of Belgium, une association qui oeuvre pour la diversité en Belgique.

Tuyêt-Nga Nguyên, entourée de la présidente d’UCOBEL, Mme Gisèle Mandaila, et de la Députée bruxelloise, Mme Latifa Aït-Baala.

Sollicitée pour participer à la collection Belgiques, Tuyêt-Nga Nguyên avait d’abord refusé. N’étant pas Belge de souche, elle ne se sentait pas légitimée d’écrire sur ce pays qui l’avait adoptée alors qu’elle avait perdu le sien. « J’étais tenue par un devoir de réserve », nous dit-elle. Elle s’est finalement lancée à fond dans l’écriture du recueil. « Une semaine par nouvelle », rit-elle. Elle décline, dans les six nouvelles de son recueil, tout son attachement et sa gratitude pour sa terre d’asile, guidée par l’envie de comprendre et une curiosité dont peu de Belges font preuve, selon elle.  

Tuyêt-Nga NGUYÊN, Belgiques, Ker, 2021, 102 p., 12 €,  

« Uccle, c’est 30 ans de ma vie » 

Anh Tuan Nguyên a quitté Uccle depuis quelques années déjà mais il n’a rien oublié de son école primaire du val Fleuri, de la sortie des cours au Parvis Saint- Pierre, des parties de foot au terrain vague du Bourdon, des soirées vidéo entre amis et …de son mariage célébré, avec beaucoup d’humour, par le Bourgmestre Boris Dilliès, Échevin, à l’époque ! 

En bon Ucclois qui se respecte, Anh-Tuan Nguyên est né, en 1981, à Édith Cavell.  

Ses parents vietnamiens étaient venus suivre leurs études en Belgique, avant la chute de Saïgon (Hô Chi Minh-Ville aujourd’hui) en 1975. Si la diaspora vietnamienne a toujours su conserver ses traditions et une culture, riche et vivante, Anh-Tuan – qui n’a été au Vietnam qu’une fois à 12 ans –  n’en est pas moins un vrai « ketje ». Jugez plutôt : classes maternelles et primaires au Val fleuri de la rue Gatti de Gamond, études secondaires au Collège Saint-Pierre et les soirées près du Parvis Saint-Pierre et de la rue Xavier de Bue, ou au Parc de Wolvendael. « Le Val fleuri était une école plutôt multiculturelle, et je m’y suis toujours senti à l’aise. Au Collège Saint-Pierre, dans ma classe, nous n’étions que deux élèves d’origine asiatique, mais j’en garde de très bons souvenirs. J’y ai rencontré mon meilleur ami, qui l’est resté. On passait au vidéoclub, le Peppermint, au coin de la rue du Doyenné et de la chaussée d’Alsemberg, ou on faisait des parties de foot sur le terrain du Bourdon, en friches à l’époque. »  Son mariage, célébré par Boris Dilliès, Échevin à l’époque lui laisse aussi un joli souvenir. « Nous avons été très heureusement surpris, car il avait juste vu nos témoins et pris connaissance de nos vœux respectifs un peu avant pour au final, nous offrir une cérémonie légère, pleine d’humour et d’émotion.» 

Polytechnicien, formé à l’ULB, l’Ucclois de souche, Anh-Tuan Nguyên, enseigne la physique aujourd’hui à nos futurs ingénieurs de l’Institut Meurice !