Les Russes d’Uccle

Les bouleversements de l’histoire de la Russie ont curieusement créé pour les Russes d’Uccle un ciment solide fait d’un attachement à la terre de leurs ancêtres comme à l’église-mémorial Saint-Job d’Uccle.   

Le moment où l’on se sent le plus russe ! 

Ils sont arrivés de Russie en 1917 et par vagues successives jusqu’à aujourd’hui. La communauté russe de Belgique est tel un patchwork : un rassemblement de pièces très différentes d’où émerge un élément commun qui rassemble généralement tous les Russes immigrés, la foi orthodoxe. La messe, Noël et surtout Pâques (messe de minuit) sont les moments où ils se sentent certainement le plus russes, même s’ils ont quitté leur patrie depuis longtemps ! 

L’histoire, elle, se rappelle quelques généraux russes dont le général Wrangel (célèbre ucclois mort empoisonné), chef suprême civil et militaire du dernier gouvernement « blanc » d’une Russie impériale s’opposant à l’avancée inéluctable de l’Armée rouge. Le général Wrangel réussit à organiser l’évacuation de près de 150.000 civils et militaires hors de Crimée et à leur faire trouver refuge dans un « exil », dont ils constitueront l’élément le plus caractéristique. 

Certains exilés se retrouvent à Bruxelles, surtout dans le sud de l’agglomération, à Uccle, où se dresse l’église-mémorial Saint-Job qui constitue inévitablement un point de ralliement.  

Comtesse Maria Nikolaievna Apraxine à la sortie de l’église-mémorial Saint-Job

La « petite dame patronnesse » de Saint-Job 

Barbara de Broux, fille de la Comtesse Maria Nikolaievna Apraxine (née à Cavell à Uccle en 1932) est issue de cette vague migratoire «blanche ». On sent d’ailleurs chez Barbara une fierté de son appartenance à la culture russe, dont une partie inaliénable est la foi orthodoxe transmise par ses parents.  

« Mon père qui a fait des études d’ingénieur à Londres voulait se rendre utile à son pays d’accueil et est alors parti travailler au Congo belge où je suis née, ainsi que mes frères et sœur. À notre retour en Belgique, nous sommes venus nous installer à Uccle où mes parents ont d’abord trouvé de bonnes écoles, Notre Dame des Champs et le Collège Saint Pierre et, ensuite, une maison qui se devait d’être située non loin de la paroisse Saint-Job ». 

L’église-mémorial Saint-Job (c)DR

Ce sera à l’avenue des Statuaires d’où Barbara, âgée de 10 ans, descendait régulièrement pour vendre des cartes postales à l’église, à la demande du prêtre, qui la surnommait « la petite dame patronnesse ». « Et puis nous allions à l’école du dimanche, au mouvement de jeunesse russe, à la messe, et à sa sortie pour y retrouver nos copains russes. À la maison, nous avons toujours parlé russe avec mes parents, mais jamais entre frères et sœurs. Ma mère nous répétait sans cesse, comme un disque rayé : « Les enfants, parlez russe entre vous, sinon vous le regretterez plus tard ! » Plus tard, je me suis mariée avec un Belge, et mes frères avec une Belge. Et tous à l’église Saint-Job ! Aujourd’hui, si mon fils aîné a quelque curiosité pour la culture russe et que nos enfants nous accompagnent en Russie pour y rendre visite à ma sœur, à la maison tout le monde parle français !  

Ici, on ne va pas chercher du sucre et des œufs chez le voisin ! 

Eva Nimova, 38 ans, germaniste de formation, est née à Rostov-sur-Don. Fille d’un père médecin militaire, elle voyage durant son enfance entre la Russie, l’Allemagne et le Kazakhstan, où elle rencontre un Belge auquel elle est restée mariée huit ans. Le jeune couple transite d’abord par l’Allemagne, avant de s’établir à Bruxelles. «  En arrivant, mon mari m’a dit : Éva, ici, on ne va pas chercher du sucre et des œufs chez le voisin !Personnellement, je ne participe pas beaucoup aux activités organisées par les associations russes. En revanche, je tiens beaucoup à mes amies russes et je replonge de temps en temps dans mes racines russes en allant à l’office du dimanche de Saint-Job. Par contre, j’adore les Belges, car c’est un peuple qui ne juge pas les autres. Il est ouvert d’esprit et privilégie une certaine qualité dans les relations humaines. » 

Pour les Fêtes, les Russes préfèrent retrouver leurs proches à la maison qu’à l’extérieur et préparer quelques spécialités culinaires du pays. Éva souligne l’importance qu’ils vouent aux relations avec leur famille et les amis. « La grand-mère reste toujours très importante. Elle apporte beaucoup à ses petits-enfants: de l’affection, mais elle apprend aussi à coudre ou tricoter et c’est elle qui transmet la tradition religieuse. »  

« Nous, les Russes sommes des gens profonds, vrais, chaleureux. Quand une amitié se développe avec un Russe, on peut vraiment compter sur lui, il se sacrifiera pour vous. On aborde assez directement les choses profondes de la vie, comme l’amitié, l’amour, les grands sentimentscelles qui touchent l’âme… » Russe !  


Érigée au coin de l’avenue de Fré et l’avenue du manoir,  une jolie église blanche aux coupoles argentées qu’on dirait sortie d’album de contes russes, c’est l’église-mémorial de Saint-Job, dédiée à la mémoire du dernier Tsar de Russie, l’Empereur Nicolas II, dont la date de naissance (19 mai) coïncide  avec la fête de Saint Job. Une rumeur dit d’ailleurs que de la terre imprégnée du sang de la famille impériale s’y trouverait… L’église fait partie du patrimoine belge et a été classée monument historique. De 2011 et 2014, elle fut l’objet d’une restauration complète subsidiée et parfaitement coordonnée par la Direction des Monuments et Sites.  

Église-mémorial Saint-Job, 8 avenue du Manoir, au coin de l’avenue De Fré 

De ces migrations russes multiples naquirent plusieurs associations telles que celle de la Noblesse russe, le Club culturel belgo-russe, les Vitiazy, qui organisent « le Bal Russe », l’association européenne russophone ou L’ASBL uccloise La Fondation pour la conservation du patrimoine russe, entre autres.  

Le Bal russe se tient au Concert Noble, un lieu qui résonne encore de tous les événements qu’il a connu depuis sa création en 1875, à la demande du Roi Léopold II, qui voulait un bâtiment et une salle de fêtes pouvant accueillir la Noblesse Belge, d’où son nom !