C’est l’histoire d’un projet déchirant le sud de Bruxelles par une autoroute reliant Uccle à Waterloo, et de riverains qui se regroupent, se défendent, se lient. Jusqu’à former, fin 1973, des comités d’habitants, de manière informelle et à s’unir en asbl en 1977 pour former l’Association de Comités de Quartier Ucclois, ou ACQU.

Influence significative

C’est grâce à ce combat mené par l’ACQU que les gens
d’abord et le monde politique ensuite ont été sensibilisés aux problèmes de destruction de l’espace urbain, de mobilité, de convivialité. Et qu’en définitive le Ring Sud n’est pas passé
par Uccle. « Le constat dressé était que notre système démocratique n’impliquait pas les habitant(e)s dans les choix politiques relatifs aux problèmes liés à notre cadre de vie », dit-on à l’ACQU. «Le constat dressé était que notre système démocratique n’impliquait pas les habitant(e)s dans les choix politiques relatifs aux problèmes liés à notre cadre de vie »

L’action de l’asbl, forgée dans une Charte, s’étend maintenant aux domaines de l’urbanisme au sens large, à la propreté publique, à la protection des espaces verts, à la circulation routière, à la sauvegarde des intérieurs d’îlots, à l’ensemble du domaine environnemental. Au fil du temps, il est apparu que les citioyen(ne)s peuvent avoir une influence significative et que lorsqu’ils font entendre leur voix, les autorités politiques en tiennent compte. « C’est la démocratie participative, la citoyenneté responsable.»

« Nous fonctionnons avec treize administrateurs, vingt-quatre comités de quartier membres, tous bénévoles, et une chargée de mission à mi-temps, rémunérée grâce à un subside de la Fédération Wallonie-Bruxelles », explique Pauline Lemaire, qui est la chargée de mission. Cette subvention, ainsi qu’un petit subside de Bruxelles-Environnement, des dons et des cotisations permettent aussi de supporter une partie des frais d’impression de la newsletter, Lettre aux habitants.

« Notre travail porte parfois ses fruits, comme pour le classement
du Kauwberg en site Natura 2000 ou pour le récent refus de permis pour la construction de terrains de padel au Roseau
», se félicite Martine De Becker, du Comité Kinsendael-Kriekenput. Comme le Comité de Quartier de la Bascule qui s’est battu, et a obtenu des arbres et de grands bacs de verdure dans la rue des magasins, ou le Parc Raspail, rouvert grâce à l’action du Collectif de Riverains d’Uccle Centre, et aux membres qui ont littéralement mis la main dans la boue. C’est aussi ces réunions régulières de trente à quarante personnes, à l’Observatoire, avec un programme chargé : « Cela va d’achats groupés de poubelles solides aux bulles à verre, de caméras de surveillance aux ambassadeurs de la propreté, ou de sensibilisation aux questions de sécurité, des conférences, du compostage », précise Maxime Dahan, très actif au sein de ce comité.

Les modèles d’engagement citoyen varient, comme la Communauté Montagne de Saint-Job: «C’est plus concrètement un habitat groupé inclusif et solidaire qui propose un cadre de vie
à des adultes en situation de handicap mental léger
», explique le coordinateur, Arnaud Bergeot.

Sensibilisation permanente

Les Comités de Quartier se font aussi entendre en faisant circuler des pétitions, « Comme celle qui a réuni plus de 300 signatures et mobilisé cinq comités de quartier pour sensibiliser Infrabel, la commune, la SNCB et la STIB au remplacement du pont Carsoel, fait remarquer Pauline Lemaire, qui tient à préciser que, dans ce dossier, l’ACQU signale qu’elle déplore de ne pas être entendue par la commune, Infrabel et la Région ». Il en va de même pour la pétition de plus de 500 personnes pour empêcher l’abattage des 120 arbres dans le domaine Pirenne, avenue de Floride. « Chaque mobilisation citoyenne est néanmoins une réussite en soi, car elle a le mérite de sensibiliser les habitant(e)s aux problématiques urbanistiques, environnementales ou de mobilité, et de les faire participer, d’y réfléchir et d’agir, ajoute la chargée de mission. L’action politique des citoyen(ne)s ne se limite pas au fait d’aller voter et puis de reprendre ses occupations.»

Avocats, architectes, ingénieurs et autres experts sont ainsi consultés pour présenter des alternatives constructives. « On ne peut pas venir qu’avec de bons sentiments. Il faut être capable d’argumenter intelligemment », reprend Martine De Becker.

« Ce qu’il est essentiel de comprendre, explique Pauline Lemaire, c’est que le rôle de l’ACQU n’est pas de penser à la place des habitan(e)ts, de se substituer à eux/elles, mais de leur faire prendre conscience des problèmes environnementaux et urbanistiques de leur commune, de les inciter à se grouper, et de les aider à coordonner leur dossier qu’ils/ elles iront idéalement présenter directement aux élus. C’est un travail d’éducation permanente, en parallèle de ce que fait la commune, et en toute indépendance. » Pauline Lemaire relève encore que l’ACQU a un rôle délicat à jouer, parce qu’en plus de créer des occasions pour les Comités de Quartier et les citoyen(ne)s de se rencontrer, il lui faut constamment « veiller à ce que les habitants ne soient pas mus par un réflexe nymbiste.» Le syndrome NIMBY désigne l’opposition locale à la construction de projets ayant des effets négatifs sur l’environnement immédiat.

Double enjeu

« Nous sommes des lanceurs d’alertes, affirme de son côté Martine De Becker. Parce que tout le monde ne regarde pas tout le temps ce qui se passe.» Plus que jamais l’opinion et la puissance des citoyen(ne)s sont nécessaires pour faire bouger les choses. « La sensibilisation et la mobilisation citoyenne sont les véritables enjeux. Les jeunes vont manifester, mais, ensuite il est important de passer à l’action, de s’investir. »

Double enjeu pour l’ACQU : intéresser les jeunes à la vie des quartiers et garder les comités actifs, même quand il n’y a plus de grandes luttes.

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