Le débat fait rage sur le projet d’urbanisation du Plateau Avijl. Son issue est susceptible de bouleverser l’environnement, l’équilibre et la culture du quartier. Éclairage.

Sur 8,7 hectares, le Plateau Avijl incarne le passé rural du quartier Saint-Job. Sa situation géographique exceptionnelle en fait un site naturellement protégé contre les pollutions urbaines. Outre son mur centenaire, vestige d’un ancien couvent de religieuses, pommiers, pruniers, pêchers, noisetiers, noyers, quelques figuiers, un saule marsault,
des robiniers, frênes, chênes et érables s’y déploient. Orties, ronces, graminées, framboisiers, groseilliers, mûriers, fleurs sauvages et comestibles se mêlent aux pommes de terre, poireaux, céleris, salades en tout genre, choux gigantesques et nombreuses sortes de haricots où cohabitent insectes et papillons. Trois coléoptères remarquables pour leur rareté en Région bruxelloise y ont été observés. Et les renards y croisent écureuils roux, campagnols, taupes, mulots, musaraignes, pipistrelles, oiseaux nicheurs ou en halte migratoire, piverts, bouvreuils ou rouge-queue noirs.

Riche en biodiversité, le Plateau tient aussi un rôle social, culturel, historique, pédagogique et économique. Grâce à Simon, Martin, Catherine, César et les autres, cinquante arbres ont été plantés et produisent déjà des fruits ; kots en bois pourris et clôtures délabrées ont été évacués ; un poulailler de 25 m2 protégé des renards par des douves accueille une dizaine de poules dont sept familles s’occupent à tour de rôle ; 1 000 litres de bière, « La Plateau Avijl », parfumée aux cerises locales, ont été brassés avec l’association Bières de Quartier ; 15 kg de houblon sauvage ont été testés pour un autre projet de fabrication de bière et des pieds de vigne du siècle dernier ont été bouturés. Sur cette lancée, l’Association Protection et Avenir d’Avijl a imaginé un projet de ferme urbaine autosuffisante d’agroécologie et de permaculture comme alternative aux projets de lotissements.

LA SAGA DES PPAS

Le Plateau fait en effet l’objet d’un PPAS (Plan Particulier d’Affectation du Sol) qui a connu de multiples modifica- tions: 320logements prévus au départ ramenés à 200 en préservant tout le cœur du Plateau, soit près de 80 % de
sa surface. En 2014, le Plateau a été classé par une police patrimoniale comme site pour sa biodiversité et son intérêt environnemental et scientifique. Mais, en 2019, la commune a retoqué une demande de classement complémentaire.

« À ce stade, le classement risquait de poser problème, l’urbanisation du Plateau n’étant pas terminée puisqu’il y a des pignons en attente », justifie Jonathan Biermann, échevin à l’Urbanisme, au Logement, à la Rénovation urbaine et aux Bâtiments, entre autres. « Le Collège a intégré la préservation et la valorisation du Plateau dans sa déclaration de politique générale. Nos objectifs ne sont clairement plus en conformité avec le développement de logements à cet endroit. » Il reste que la commune, propriétaire des parcelles du plateau, a passé une convention avec la SRLB (Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capital), qui l’engage juridiquement pour la mise à disposition de terrains et la construction de logements. Or, la convention prévoit que si la commune change d’avis, elle devra prendre en charge l’ensemble des frais déjà exposés par la SRLB.

LE TRIANGLE VERTUEUX

« La réflexion que l’on souhaite avoir avec les habitants et les commerçants doit s’inscrire dans un triangle entre les acteurs
et ceux qui jouissent aujourd’hui du plateau,
rajoute l’échevin. Mon idée est qu’il faut que la Place Saint-Job soit la place publique du Plateau Avijl en valorisant ce qui est produit dans les potagers sur la place qui a une identité économique, commerciale
et socioculturelle forte. C’est pour cela que je retiens l’idée de la permaculture »
, conclut en tout cas Jonathan Biermann.
Un projet de réaménagement de la place est à l’étude, financé par la Région. « L’idée est de rendre la place aux citoyens, en aménageant des terrasses, davantage de verdures et surtout voir quelle place donner au tram, précise Thibaut Wingaard, en charge des Travaux publics et de la Mobilité, notamment. Mais nous ne sommes qu’à l’entame du processus qui sera co-créé avec les riverains.»

Travaux à la Toussaint ! Au carrefour Saint-Job/Carsoel, le trottoir sera agrandi, l’espace piéton élargi et les passages cloutés déplacés. La circulation sera fermée quelques jours. Infos sur le site de la commune.

AVIJL ?

Le terme désignait la bergerie, les terres où les seigneurs de Carloo accordaient aux habitants la « vaine pâture » et la « tenure », rappelle le Cercle d’Histoire, d’Archéologie et de Folklore d’Uccle et de ses Environs, c’est-à-dire le droit de laisser paître leur bétail après les récoltes et de cultiver ces terres à leur profit. C’est probablement alors, du XVe au XVIIIe siècles, qu’apparaissent sur le Plateau les premiers potagers. Ces pratiques étaient très progressistes pour l’époque. La commune d’Uccle a maintenu cette tradition, tout en fixant un péage modeste pour la culture des potagers.

Images (c) Cilou de Bruyn