Ouvrir une enseigne à Uccle alors qu’on en a une autre, ou plusieurs, ailleurs à Bruxelles ? Trois de celles et ceux qui l’ont tenté récemment racontent ce qui les y a poussés.

Le mouvement est amorcé depuis un moment : quelle que soit la santé financière de l’enseigne (ou des enseignes) créée(s) initialement dans le centre de Bruxelles ou dans d’autres communes, des dizaines de commerçants, de tout type et de tout secteur, ont jeté leur dévolu sur Uccle. Pour y ouvrir un ou plusieurs nouveau(x) comptoir(s). Trois exemples.

« C’est le niveau de la rue des Martyrs à Paris ou de la Marylebone High Street à Londres »

Jean-Louis Barré est responsable clientèle des boulangeries Saint-Aulaye, créée à Ixelles il y a 35 ans et ayant ouvert deux enseignes à Uccle : rue Vanderkindere et chaussée de Waterloo.

« La clientèle du haut de la Ville ne va définitivement plus dans le centre. Il faudra une ou deux générations pour un renouvellement. Ce ne sera plus la bourgeoisie de l’Est de Bruxelles. Pour vous dire l’ampleur du phénomène, on nous dit parfois au magasin du Fort-Jaco : ’’Heureusement que vous êtes venu ici, car nous on ne va plus en ville.’’ Mais lorsqu’ils parlent de ’’la ville’’, les gens y situent aussi la rue Vanderkindere ou la place du Châtelain…  C’est devenu tellement compliqué de se déplacer à Bruxelles que la clientèle ne sort plus de son quartier. Pour nous, comme pour les autres commerçants ucclois, l’impact ne peut être que positif. Mais je regrette la perte de clientèle des communes bruxelloise plus éloignées… Bien qu’elle soit largement compensée par la clientèle locale : nous avons, avec la rue Vanderkindere, un potentiel inouï. Nous sommes au niveau de la rue des Martyrs à Paris ou de la Marylebone High Street à Londres. Et d’autres lieux, comme le Vivier d’Oie ou le Vert Chasseur, sont en plein renouveau. Il y a là une opportunité pour faire rayonner Uccle à l’international ! »

« Les Ucclois ont découvert qu’il y avait des nouveaux magasins près de chez eux »

Malika Kahan est la créatrice du Petit Boudoir (bijoux, sacs, vêtements, etc). Elle avait déjà une enseigne à Ixelles et une à Etterbeek avant d’ouvrir rue Xavier De Bue.

 « Je suis venue ici d’abord parce que je suis une entrepreneure dans l’âme. J’avais deux magasins et envie d’un nouveau challenge. En 2018, avec mon compagnon, qui est aussi mon associé, on a vu un emplacement au cimetière d’Ixelles mais on n’était pas très chaud. On a vu qu’il y avait une disponibilité rue Xavier De Bue, je suis allée voir, c’était le week-end avant le 1er mai, je me suis postée parvis Saint-Pierre et j’ai vu le monde qu’il y avait. On a ouvert, ça a été très compliqué au début, parce que beaucoup d’Ucclois disaient que ce quartier était mieux avant, tout ça. Est arrivé alors le covid, et on s’est dit qu’on allait tout perdre. Alors on a boosté les réseaux sociaux pendant deux mois et demi et on a découvert que les Ucclois se sont rappelés qu’il y avait un pôle commercial près de chez eux. Qu’ils ne devaient plus aller dans le centre ou le haut de Bruxelles, qu’il y avait une offre et des nouveaux magasins à proximité de chez eux. Et on attire aussi les Forestois, une clientèle de quadras plutôt. Parce qu’il y a ce que j’appelle ’’une offre cohérente’’, expression que je préfère à celle de ’’village’’. Ici, il y a plein d’enseignes nouvelles, très diversifiée en fonction des quartiers, tant en termes de contenu que de pouvoir d’achat, et une fois les travaux chaussée d’Alsemberg finis, elles vont drainer encore plus de monde. »


Le Petit Boudoir : rue Xavier De Bue.

« Pas de volonté de grande expansion, juste les conséquences de la crise sanitaire »

Le chocolatier Laurent Gerbaud, présent dans la galerie Ravenstein, a ouvert l’an dernier un second comptoir, chaussée de Waterloo, avant un troisième, en octobre dernier, à l’hôtel Amigo, rue de l’Etuve.

C’est la pandémie qui a tout déclenché. Comme il l’expliquait à La DH il y a tout juste un an, le confinement du printemps 2020 « a été très dur car tous nos stocks pour Pâques étaient faits. En tant que commerce alimentaire, j’aurais pu rester ouvert. J’ai essayé pendant trois jours, c’était une catastrophe ». Concrètement : « Environ 10 % de son chiffre d’affaires habituel de Pâques, selon le quotidien. Pas de quoi permettre à cet entrepreneur, qui emploie six personnes à temps plein et 25 jobs étudiants, de verser les salaires. Dans ce quartier du coeur de Bruxelles, à deux pas des principaux musées, la clientèle touristique n’est plus au rendez-vous. Il s’est résigné à mettre son personnel au chômage temporaire. » En mars de l’année dernière, toujours à La DH, Laurent Gerbaud affirmait qu’« au niveau trésorerie, je peux tenir jusqu’à mi-mai, après ça va commencer à être vraiment compliqué ». Six mois plus tard, il signait le bail chaussée de Waterloo. Où il ouvrait son nouveau comptoir un mois après. « Toujours pas de volonté de grande expansion derrière ce projet, écrivait le journal, mais bien les conséquences de la crise sanitaire. »


Le chocolatier Laurent Gerbaud, présent dans la galerie Ravenstein, a ouvert l’an dernier un second comptoir, chaussée de Waterloo.