Sommets internationaux, objectifs planétaires, manifestations sans frontières… Le combat contre le réchauffement climatique est mondial. Mais quelle forme prend-t-il à Uccle ? Où 92 habitantes et habitants ont posé leur candidature à l’Assemblée citoyenne pour le climat.

A Glasgow, la COP 26, cette grande conférence climatique mondiale, s’est terminée le mois dernier sur un bilan mitigé. Mais toujours avec l’espoir de respecter l’accord de Paris, conclu en 2015 pour maintenir l’augmentation de la température moyenne de la Terre sous les 2° et atteindre en 2050 la neutralité carbone, soit l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et l’absorption du carbone par les forêts, les océans, les sols, etc. Quels impacts ont ces engagements internationaux sur Uccle ? Quelles sont les actions communales menées pour atteindre ces objectifs planétaires ?

Maëlle De Brouwer (c) DR

Entretien avec Maëlle De Brouwer, l’échevine à l’Environnement, au Climat et à l’Energie.

Une conférence comme celle de Glasgow a des conséquences pour la commune ?
Oui, même si ce n’est pas de Glasgow que proviennent les mesures à prendre, puisqu’on sait déjà ce qu’on doit faire : lutter contre la déforestation, une agriculture plus résiliente, consommer moins de viande, isoler les bâtiments, tout le travail sur les transports, des finances plus vertes et éthiques… La question qui se posait à Glasgow, et qu’on se pose partout, c’est : comment faire ça plus vite et de manière plus efficace ?
On a la réponse, à Uccle ?
Quand on est entré dans la majorité, avec Ecolo, après les élections de 2018, on a demandé qu’on réactualise l’agenda 2021, qui datait de 2009, année du bilan carbone de la commune, basé sur l’année de référence 2007. On avait donc une série de plans d’actions qui avaient une dizaine d’années et arrivaient à leur terme. Et une forte mobilisation climatique qui imposait ces questions dans le débat. Dont cette réactualisation des plans. Ça a été plus facile d’obtenir des moyens, budgétaires ou humains. Plus évident de déclarer l’urgence climatique dans la commune, dans une démarche partagée par tous au sein de la majorité. De son côté, la Région a débloqué plus d’un million d’euros annuel pour que les communes mettent en place un Plan d’Action Climat (PAC). On a répondu au premier appel à projets et on a été lauréat : on a reçu 150 000 euros qui ont permis d’engager une personne en charge du PAC et de payer une partie du bureau d’étude qui nous accompagne pour le plan, soit trente mesures en vigueur dès septembre prochain. Pour qu’en 2030, la commune arrive à une diminution de 50 % de ses émissions de gaz à effet de serre. C’est l’étape à franchir pour arriver à la neutralité carbone en 2050. Quinze de ces mesures, maximum, seront proposées par une Assemblée citoyenne.
C’est la Région de Bruxelles, plus que l’Accord de Paris ou la COP de Glasgow, qui donne l’impulsion à Uccle ?
Elle pousse les communes dans la démarche de réduction de leurs émissions, démarche qui est celle de la Région, qui s’inscrit dans celle du fédéral, qui elle-même s’inscrit dans celle de l’Europe, qui est elle-même celle de Paris ou des différentes COP ! Donc, oui, toutes les décisions de la COP ont un impact au niveau communal. Mais à moyen-terme.

Avenue Dupuich, petits fruitiers plantés par la commune.

Chaque projet de la commune dépend de ses émissions de CO2 ?

Une série de services « screenent » leurs projets, leurs marchés publics à travers ce regard-là. Mais il faut tenir compte des réalités. Exemple : pour les boissons des cérémonies communales, la centrale des marchés est venue avec des propositions pour un nouveau cahier des charges, porté par l’échevine Valentine Delwart, dans lequel on passait aux bouteilles en verre ; et puis on s’est trouvé face à un problème de logistique : ces bouteilles sont plus lourdes, ça impacte le transport, il faut plus d’espace de stockage. C’est réglé mais ça montre que tout ne coule pas de source. Autre exemple : on a une petite dizaine d’écoles primaires qui fournissent des repas chauds aux élèves, pour certains c’est le seul repas chaud de la journée ; on a entamé un travail avec Carine Gol, en charge de l’Education, pour augmenter la part de bio, la saisonnalité, le fait que ce soit local, diminuer les grammages en viande, augmenter les repas végétariens tout en maintenant un prix identique et accessible ; on a trouvé une balance, sachant que le marché se chiffre en millions d’euros, que ça a un impact écologique, que c’est un enjeu de santé, etc. Mais ça reste impossible d’avoir des cantines scolaires 100% bio parce que le marché en est incapable. Les volumes sont trop grands.
Tous les échevins sont dans cette logique ?
Oui, chaque appel à projets, appel d’offre, cahier des charges : François Lambert pour le marché seniors, toujours en termes d’alimentation ; le plan de mobilité porté par Thibaud Wyngaard ; la question énergétique du bâti dont s’occupe Jonathan Biermann : le nouveau centre administratif est quasiment passif, comme l’école du Merlo, et on va y doubler la production en énergie photovoltaïque. Jusqu’au café dans l’administration, désormais bio et équitable, dans des gobelets de carton, avec touillettes en bois… Et puis la commune est engagée depuis 2008 dans le Plan Local d’Action pour la Gestion Énergétique du bâti communal. Elle a gardé une personne pour ce plan, à temps plein, sur ses fonds et avant que ce soit obligatoire.
Des actions comme Végétalisons nos rues ou Prime pour le placement d’une mare naturelle dans votre jardin, menées à Uccle, sont de celles qu’on trouvera dans le PAC ?

Végétaliser toutes les rues de la commune pourrait être l’une d’elles. Parce que planter tel nombre d’arbres va capter autant de tonnes de CO2 par an. On verra aussi les propositions de l’Assemblée citoyenne. Ils sont une centaine à avoir postulé : 92, très précisément, 54 hommes et 38 femmes. Pour dix places, vingt autres étant tirées au sort dans le registre de population. Là, sur les 400 tiré.e.s au sort, on a eu 53 réponses positives, 35 hommes et 17 femmes, soit un taux de réponse de 13,25 % ce qui est au-dessus de notre estimation (qui est de l’ordre 10 % lors de courriers nominatifs). Un second tirage au sort, pour arrêter les vingt participants, a eu lieu le 22 novembre : le conseil communal de ce mois de décembre a annoncé les noms. Et il y aura d’autres moments de participation citoyenne. Ce seront en tout cas trente actions concrètes, qui prendront en compte le fait qu’on est différemment affecté par le changement climatique selon telle ou telle catégorie sociale, selon qu’on soit homme ou femme…


Au parc Raspail, avec les riverains d’Uccle Centre.
Donc avec des mesures ciblées, selon les quartiers notamment ?
Oui. Comme on travaille avec Jonathan Biermann sur une demande de subsides régionaux pour un contrat de quartier durable dans le quartier du Merlo. Nous intégrons dans le dossier une série de mesures qui vont de l’isolation à la rénovation du bâti, de la possibilité d’une centrale d’achats à la maîtrise des eaux. Comme le projet Carbone aussi, subsidié par la Région et qu’on mène avec l’ULB notamment, pour recirculariser nos déchets verts. Pour l’instant, on les exporte pour qu’ils soient compostés ailleurs et on achète de la terre et du terreau alors qu’on a tout le potentiel pour les produire… Ce projet prouve aussi que la synergie entre la commune et les initiatives citoyennes peut être très simple et pertinente : au parc Montjoie, il y a un compost collectif ; avant, on exportait les déchets verts du parc ; depuis, ils vont dans le compost collectif.
Un projet comme le stade national de hockey n’a pas d’impacts négatifs ?
Si. Dès qu’il y a plus d’activités, il y a plus d’émissions. Il faudra y veiller dans le montage du projet. Dans le cadre que tracera le PAC.
Atteindre les objectifs climatiques à Uccle, c’est plus ou moins facile qu’à Anderlecht ou Saint-Josse ?
C’est plus facile pour les mesures d’adaptation, parce qu’on a plus d’espaces verts et une densité de population moins forte. Mais pas pour diminuer nos émissions, directes (celles de l’administration) et indirectes (celles du territoire) : le fait qu’on a beaucoup de projets immobiliers, parce que beaucoup de bureaux sont transformés en logements, signifie plus de personnes donc plus d’émissions carbone. Et puis on doit garder une vision équitable : c’est souvent chez les petits revenus qu’on a les maisons les moins bien isolées, parce qu’ils n’ont pas l’argent pour rénover mais leur facture d’énergie est plus salée que celle des autres… On sait aussi qu’on a beaucoup de chance à Uccle, parce qu’on a une série d’espaces verts protégés par leur statut Natura 2000 entre autres. Par rapport au reste de Bruxelles, on est donc privilégié mais en réalité on ne l’est que dans certaines zones de la commune, celles du sud. Or les demandes des habitants pour une commune plus verte encore portent sur tout le territoire ucclois. C’est pour ça qu’on a planté les arbres fruitiers dans les quartiers moins verts, au nord de la commune, dans le cadre du projets ARBRES, lancé avec Forest et avec subsidié par Innoviris, l’institut d’encouragement de la recherche scientifique et de l’innovation de la Région.

Un centre d’excellence sur le climat à Uccle

Fin octobre, Thomas Dermine, secrétaire d’Etat à la Politique scientifique, a annoncé la création en 2022 d’un centre d’excellence sur le climat, dans un bâtiment en cours de rénovation, à Uccle. Précisément rue Circulaire, où sont installés l’Observatoire royal de Belgique, l’Institut Royal Météorologique et l’Institut d’aéronomie spatiale. Le centre, financé par le gouvernement fédéral (2 millions par an), travaillera en partenariat avec les universités pour regrouper la recherche des établissements scientifiques fédéraux sur le climat.