Ça démarre par un petit grésillement : une mouche s’écrase sur une lampe anti insectes, comme chez le boucher ! Sauf que nous sommes chez Odette qui a pris racine dans sa caravane années 60, en écoutant Ménie Grégoire sur son transistor. Son fils Robert, vieux garçon inhibé, est pendant ce temps enfermé dans le garage, absorbé par d’étranges expériences. Et Robert n’est pas piqué des hannetons…
Téléportation réussie et rire garanti !
Metteur en scène et acteur, Christian Hecq pieds en dedans, jeux de mains d’un enfant de quatre ans, inadapté ou génial c’est selon, s’inspire d’un épisode célèbre de l’émission Strip-Tease dans lequel un cultivateur charentais s’était piqué de construire une soucoupe volante dans son jardin. Dès sa première apparition sur scène, Christian Hecq déclenche les rires. On retrouve tout ce que l’on aime chez cet acteur au pouvoir comique inégalé et dont on ne se lasse pas : cette attitude et ces mimiques qui font de lui l’une des stars de la troupe de la Comédie-Française. Impossible d’utiliser les comparatifs pour décrire son jeu, car il est unique. Dans vingt, trente ans, on dira d’autres acteurs qu’ils font du Christian Hecq, comme d’autres font aujourd’hui du Tati. Le Belge a imposé en France une signature personnelle.
TROUVAILLES ET PLONGÉE BURLESQUE DANS L’UNIVERS PALPITANT DE LA SCIENCE-FICTION
On est donc dans le grand guignol, le burlesque à la Deschiens. On se régale des mimiques insensées de Hecq et des trouvailles de mise en scène élaborées avec sa compagne Valérie Lesort (délicieuse dans le rôle de la gourde Marie-Pierre), plasticienne et metteuse en scène qui a travaillé entre autres avec Philippe Genty, Luc Besson…
La rupture entre le drôlissime et l’horrifique est rondement menée. Stéphan Wojtowicz en inspecteur chargé de retrouver la jeune fille est épatant. Réjouissante également, Christine Murillo, mère qui, plutôt que de faire de la recherche fondamentale, aimerait que son fils trouve du travail… Un clin d’oeil génial et désopilant à l’épisode “La soucoupe et le perroquet” de l’émission Strip-tease…
L’HOMME CAOUTCHOUC A TRIOMPHÉ AUX MOLIÈRES
Mais le spectacle devient de plus en plus surprenant… Cet incroyable homme caoutchouc qu’est Christian Hecq se transforme devant nous en mouche, utilisant tout un système électrique remarquablement mis au point, qui le conduit à ramper sur les murs. Dans cette histoire de Mouche dont on connait la fin, Valérie Lesort et Christian Hecq arrivent malgré tout à littéralement scotcher le public devant tant d’inventivité avec ce qui reste néanmoins de l’artisanat théâtral. Sans sombrer dans les effets spéciaux grandiloquents, la transformation progressive du corps de Christian Hecq en insecte est incroyable. Les prothèses le défigurent, et avec son art de se mouvoir dans l’espace, il devient vraiment une mouche. Du grand art.
Cette version très libre de la nouvelle de Georges Langelaan, adaptée au cinéma par David Cronenberg en 1986, réjouira donc les fans de Christian Hecq, et tous ceux pour qui le théâtre n’est pas seulement une histoire racontée mais un objet visuel en forme de terrain de jeu où le spectateur retrouve son âme d’enfant. Même si, comme ici, les rêveries enfantines peuvent se transformer en cauchemar…et ça ne peut que faire mouche !
Distinctions
Le spectacle a été primé par trois Molières en juin 2020: Création
visuelle, Comédien dans un spectacle de théâtre public
pour Christian Hecq et Comédienne dans un spectacle de
Théâtre public pour Christine Murillo.
20h
1h40
De 14 € à 45 €
12 ans