SOLIDARITÉ
Et si la guerre en Ukraine avait réveillé un immense élan de solidarité ? A Uccle, les initiatives se multiplient, individuelles et collectives. Qu’il s’agisse de déployer des efforts humanitaires exemplaires à destination des populations prises au piège ou de faciliter l’accueil dans la commune de dizaines de familles réfugiées. Jusque dans les écoles.
Pierre, Marine, Nicolas, Paul et les autres…
Alex le taxi, envoyé par un mécène apporter des médicaments en Ukraine, est revenu avec une maman et ses deux enfants. Sylvie et Marc donnent des cours de français à la « Maison d’Edith », aménagée du jour au lendemain par Nicolas et ses voisins. Cécile accueille une famille nombreuse. En trois semaines, Philippe et Martine ont réussi à placer vingt familles, soit une soixantaine de personnes via leur groupe WhatsApp « Manoir-Kamerdelle». Marine, Pierre et leur chaîne humaine repartent pour la deuxième fois sur le terrain.
Et tous les autres… Les commerçants qui ouvrent des comptes d’amis, les écoles qui conseillent, accueillent, intègrent. Les voisins qui conduisent ici et là…
Et Google Translate, l’indispensable !
Edith et compagnie
La maison à côté de la sienne étant provisoirement inoccupée, Nicolas Dassonville et l’un de ses voisins créent une asbl pour structurer« La Maison d’Edith » et accueillir les premiers réfugiés, bien entendu avec l’accord du propriétaire. La première action fut d’équiper complètement cette grande maison pour accueillir vingt personnes dans de bonnes conditions. Challenge relevé en une semaine grâce à l’aide de nombreux bénévoles surgis de partout grâce aux réseaux et l’aide de généreux donateurs de mobilier. « Nous avons ensuite collaboré avec l’ULB et BE for Ukraine pour accueillir les familles inscrites via leurs canaux. Aujourd’hui, nous hébergeons trois familles, soit huit adultes et sept enfants âgés de 4 mois à 12 ans. Nous attendons encore une famille de cinq personnes. Nous recevons aussi de très nombreux soutiens des commerces locaux pour la nourriture, ce qui fait super chaud au cœur », explique Nicolas.
Puis, Edith a fait des petits : un entrepôt de vêtements, jouets et autres, des cours de français, les Rencontres d’Edith chaque vendredi soir entreUkrainiens, hébergeurs, voisins du quartier et des environs. Après le stage de hockey à Uccle Sport pendant les congés de Pâques, « ils ont même dormi avec leur stick », les enfants ont intégré l’école, Longchamp et Messidor. « Plusieurs personnes nous contactent pour dupliquer notre modèle dans d’autres communes, soit dans des appartements soit carrément dans un ancien monastère », rajoute Nicolas.
Accueillir en connaissance de cause
Encore faut-il savoir comment s’y prendre une fois qu’ils sont là. « Il faut faire toutes les démarches avec eux, c’est presque un job à plein temps. » Si Philippe Lefeubvre et sa femme, Martine, ont une histoire avec ce pays puisqu’ils ont adopté deux Ukrainiennes en 2005, c’est pour aider les familles accueillantes à faire face aux méandres administratifs que ce français ucclois a concocté un guide mis à jour en fonction de l’évolution de la législation. Car, bien que théoriquement l’accueil soit « temporaire », l’idée estd’aider ces femmesà s’intégrer et à devenir rapidement autonomes. « On ne sait pas combien de temps tout cela peut durer. Il faut que le dossier avance auprès de la commune pour obtenir la fameuse annexe 15 qui leur permet de travailler, puis d’avoir un compte bancaire et enfin un logement. » Bien que la plupart de ces femmes n’aspirent qu’à rentrer chez elles, « beaucoup sont diplômées et veulent intégrer le marché du travail », précise Martine.
Kristina est arrivée chez eux au volant de sa petite voiture avec son fils de 2 ans, qui depuis s’intègre tant bien que mal à la Petite École du Dieweg, avec le petit Ukrainien hébergé juste en face.
Sous le soleil de Cécile, Tania et ses 4 enfants
Les démarches à la commune étant justement assez fastidieuses, c’est grâce à Facebook que Cécile Kirkpatrick a pu accueillir Tania et ses quatre enfants, de 12 à 1 an.«Ces petits enfants dans ma grande maison qui s’émerveillent de tout, ça m’apporte le soleil! » Les deux grands ont été accueillis gracieusement dans des stages pendant les vacances et ont ensuite intégré le collège Saint-Pierre, avec carte repas offerte en prime. Chaque jour, Tania va chercher des colis alimentaires au CPAS, chaque famille mangeant à des heures différentes . « Je vois bien que Tania veut discrètement me rendre service. » Ce qui n’est pas toujours le cas. « Une amie accueille depuis un mois un couple et leurs deux garçons qui se montrent plutôt méprisants. Elle a hâte que cela se termine. »
Une solidarité ciblée, et … injuste? « Il faut bien avouer que nous sommes davantage touchés par les Ukrainiens, c’est notre culture, nos religions, notre façon de vivre », entend-t-on ici. « En plus ils sont d’une politesse incroyable ! », nous dit-on là-bas. Sans compter qu’accueillir des femmes avec enfants est plus facile. « Ils sont certainement fragilisés mais ils fuient la guerre, pas la misère. » Et que plane à nos portes la menace d’une guerre mondiale, bien achalandée par les images et les récits d’atrocités.
Pastur ou l’effet boomerang
« Quand tu aides, on t’aide tellement que tu as l’impression de voler », finit par lâcher Pierre, planté au milieu de la maison qu’il vient de complètement retaper, meubler, équiper avec une bande de copains pour accueillir une famille. « J’ai tout de suite reçu la visite d’un monsieur de Logements pour tous que je n’ai pas trouvé vraiment pertinent. Alors j’ai décidé que cette maison ne serait plus destinée qu’à des réfugiés et des sans-abris. » Entre-temps, la famille est arrivée. Deux femmes et quatre enfants, originaires de Crimée. Une première fuite de Poutine en 2014, un exil en Ukraine et à nouveau en cavale pendant un mois avant de débarquer avenue Jacques Pastur. C’est Nazar qui les y a conduits. « On fait tout pour que les gens ne dorment pas par terre au Heysel. Je cherche des maisons via les réseaux et je distribue aux Ukrainiens », explique ce dernier, arrivé chez Pierre par une connaissance.
Pourquoi cet engouement ukrainien ? « On a l’impression de les connaître, nous en sommes plus proches culturellement, et il y a ce sentiment anti-tout-le-reste, sans doute beaucoup d’autres a priori », suggère Pierre. À la rentrée, le dentiste a mené sa petite troupe à l’école du Homborch, à pied, entre les cerisiers en fleurs et les vélos électriques. « Tout ça m’enrichit tellement que c’est presque culpabilisant », avoue Pierre. Ceci n’expliquant pas cela, Charlotte prend le relais de son père pour gérer l’asbl créée pour la bonne cause, « Pastur for Ukraine ».
Aidez-nous à aider
Du 17 au 21 mai, le chef Damien Bouchery propose des menus ukrainiens, réalisés à quatre mains avec un(e) cuisinier(e) ukrainien(ne). L’entièreté des bénéfices sera reversée à l’initiative #HELPUKRAINE.
Restaurant Fauvette – 17 rue de la Fauvette – 0477 66 67 27
Pour soutenir les activités de la Maison d’Edith, versez vos dons sur le compte de la Fondation Roi Baudouin : BE10 0000 0000 0404 avec la mention structurée 623/3714/30085
Manoir-Kamerdelle: – 0474 91 41 74
Pastur for Ukraine : …
Du côté de la commune
Outre les différentes facilités mises en place au niveau fédéral, les aides et accompagnements proposés,le service Logement met à disposition sept logements communaux, meublés avec l’aide du Rotary. En date du 12 avril, 202 personnes sont inscrites au CPAS.
Service Solidarité internationale : –
02 605.11.96
Sur le terrain : la puissance de la chaîne humaine
En mars, une dizaine de trentenaires, réunis dans #HelpUkraine, ont affrété un bus jusqu’en Ukraine. Ils sont repartis ce 19 avril pour un nouveau sauvetage. Extraits du premier journal de bord de Marine Vincent.
16 Mars : Après une semaine de nuits blanches et d’émotions, nous voilà sur la route dans notre autocar de 80 places rempli grâce aux dons. Direction Medyka, poste-frontière entre la Pologne et l’Ukraine. Notre objectif est double. À l’aller: apporter sur le terrain des biens de première nécessité qui seront distribués exclusivement à des ONG polonaises actives à Medyka et à la Croix-Rouge polonaise. Au retour : offrir la possibilité à 72 réfugiés de venir en Belgique…il y a 3 jours, nos contacts directs sur le terrain nous demandaient des drones et des gilets pare-balles. Hier, des sacs mortuaires. Nous acheminons donc plus de 200 caisses de vivres et médicaments. Et 400 sacs mortuaires.
18 mars : Après 13 heures de route, on s’arrête à Poznán sur le parking d’un Lidl où nous attendent trois grosses cylindrées, coffres ouverts. Mykolaj est là avec des amis. Il acheminera le matériel militaire et médical en Ukraine. On se serre la main, voir les gens en vrai concrétise l’action. Les coffres pleins, on se regarde, on se photographie ensemble, comme si on pourrait un jour oublier. Ce matin, Mykolaj nous envoie des photos : il y est arrivé ! Au Parc des expositions de Varsovie transformé en gare de la solidarité, des centaines de réfugiés ukrainiens affluent chaque jour. Ils n’ont que quelques minutes pour décider leur destination. Les destins se jouent parfois à rien. On parle beaucoup de chaîne humaine de la solidarité. Ce n’est ni un mythe ni une légende. C’est fort et tangible. C’est émouvant et efficace. Surtout plein d’amour.
19 mars. À l’arrivée, sur le parking de l’EFP rue de Stalle, l’appréhension est palpable. Pour ces familles, à part nous, il n’y a que des inconnus. Grâce à BXLRefugees, les familles d’accueil commencent à arriver et les matchs s’improvisent, des relations nouvelles se créent sous nos yeux. La fameuse chaîne humaine continue et bien d’autres encore vont se créer. Sur le terrain, les associations, comme la Croix-Rouge font un boulot merveilleux.
#HelpUkraine, c’est Marine Vincent, Pierre Jadot, Laura Krsmanovic, Alexia Turlot, Alina Zhuk, Lena Simonne, Julie David de Lossy, Daphné de le Vingne, Robin Walschot et Hélène Rolin.