Cavell, De Fré, Sainte-Elisabeth
Marie-Ève Rebts
Déménagement des cliniques Edith Cavell et des Deux Alice, démolition des bâtiments et nouvelle extension pour le site Sainte-Elisabeth des Cliniques de l’Europe… Les établissements hospitaliers situés dans les zones Cavell et De Fré ont subi de nombreuses transformations au cours des dernières décennies. Pour céder progressivement la place aux habitants.
Implantées dans des bâtiments devenus trop anciens ou trop petits, ces cliniques ont dû s’étendre et/ou déménager dans des infrastructures plus modernes afin d’offrir des services toujours plus qualitatifs aux patients. Inévitablement, ces évolutions ont laissé des traces dans le paysage communal. Il a notamment fallu passer par des phases de démolition et de travaux, et trouver de nouvelles affectations aux sites laissés vacants qui sont parfois devenus des chancres.
Par chance, ceux-ci bénéficiaient de situations favorables et/ou de constructions remarquables qui ont titillé l’intérêt et la créativité de développeurs immobiliers. Ces derniers ont tiré profit des atouts de ces lieux pour y réaliser le plus souvent des logements haut de gamme. Au total, les reconversions et transformations de Sainte-Elisabeth, les Deux Alice et Edith Cavell devraient apporter plus de 300 nouveaux appartements au cœur d’Uccle en une vingtaine d’années. Il s’agit en effet d’un processus de longue haleine, qui a débuté dans les années 1990 et se poursuit encore aujourd’hui.
Années 90 et 2000
Coup de neuf et logements de standing à Sainte-Elisabeth
Membre du groupe des Cliniques de l’Europe, la clinique Sainte-Elisabeth fait partie de l’histoire d’Uccle puisqu’elle est présente à l’avenue de Fré depuis le début du 20e siècle. C’est au cours des 30 dernières années que sa structure a connu le plus de changements. Les fusions avec les Cliniques des Deux Alice (Uccle) puis St-Michel (Etterbeek) ont entraîné une refonte importante de l’organisation de Sainte-Elisabeth et ses bâtiments à partir des années 1990.
En 1995, un nouveau complexe hospitalier a vu le jour à côté de l’implantation historique afin d’offrir un meilleur accueil aux patients. Ensuite, en 2004, les vieux bâtiments restants ont été démolis pour libérer de l’espace et accueillir en 2011 une nouvelle extension de 25.000 m2 et les activités de la Clinique des Deux Alice. Un immeuble a cependant survécu à l’opération : la maternité située au bout du site, le long de la chaussée de Waterloo. L’ensemble de style Beaux-Arts construit en 1928 par l’architecte Achille Michel était en effet trop remarquable pour être détruit.
Il est néanmoins resté à l’abandon près d’une décennie, jusqu’à ce que les investisseurs de la société Beaufort House acquièrent l’immeuble pour le transformer en logements. « A l’époque, ce bâtiment était un éléphant en matière de développement et de promotion », souligne Philippe Weidner, administrateur délégué de Beaufort House. « Les frais d’étude étaient conséquents et cela a découragé beaucoup de développeurs. Notre chance est qu’on travaille avec des fonds privés britanniques et de grands professionnels de l’immobilier qui ont osé lancer ce projet. Nous avons avancé à l’aveugle, au jour le jour et en découvrant des incertitudes ou surprises comme des sols qui s’effondraient durant le chantier. »
Il a fallu environ 3 ans pour transformer ce bâtiment de 10.000 m2 et les développeurs n’ont pas choisi la facilité en optant pour des appartements sur-mesure plutôt que des logements standards. Les 64 appartements de la résidence Hyde Park sont en effet tous uniques, avec des superficies allant de 35 à 500 m2. De l’aveu des développeurs, reproduire ce genre de projet serait aujourd’hui très difficile à cause des contraintes administratives qui ont beaucoup évolué et se sont multipliées. Une quinzaine d’années après sa transformation, la résidence Hyde Park reste ainsi un projet inédit et une référence en matière d’immobilier de standing. Comme le résume Philippe Weidner, « cette sorte de palais juste en face du Bois de la Cambre offre l’équivalent d’une vie de château tout près du centre de Bruxelles. »
Années 2010
Reconversion totale pour les Deux Alice
Lorsque la Clinique des Deux Alice a fusionné avec Sainte-Elisabeth puis l’a rejointe dans une nouvelle extension à l’avenue de Fré, ses bâtiments du Groeselenberg se sont retrouvés vides. L’ensemble construit dans les années 1970 ne présentait pas vraiment d’intérêt au niveau architectural, par contre son terrain a rapidement suscité celui des promoteurs immobiliers. Le site bénéficiait d’un remarquable cadre naturel situé en plein cœur du quartier prisé de l’Observatoire. « Ce n’est pas un hasard si les fondateurs de l’établissement ont choisi cet endroit pour y créer un sanatorium à la fin du 19e siècle », souligne Philippe Weidner, dont la société Beaufort House a acquis le terrain. « C’est un endroit sain sur les hauteurs de Bruxelles, implanté en milieu d’ilot et entouré de nature. »
Ce lieu où il fait bon vivre semblait donc parfait pour implanter du logement, mais pas de n’importe quelle façon. « Un Plan Particulier d’Affectation du Sol (PPAS) a été élaboré en 2014 pour la zone Groeselenberg afin d’y limiter la densification et d’éviter la spéculation immobilière », précise Jonathan Biermann, échevin de l’Urbanisme. « Comme pour Hyde Park, la transformation a permis de redonner vie à un lieu qui était devenu un chancre, et ce genre d’opération est importante pour la revitalisation urbaine. »
Pour la reconversion des Deux Alice, 3D Real Estate était d’ailleurs accompagné au départ par Beaufort House, qui a transformé l’ancienne maternité de Sainte-Elisabeth. Les deux projets partageaient peu de points communs. « Contrairement à Sainte-Elisabeth, le bâtiment des Deux Alice était strictement fonctionnel », raconte Philippe Weidner. « Nous avons cependant été contraints par les autorités de conserver une partie de la structure de ces 15.000 m2. La tâche n’a pas été aisée car nous avons dû rajouter deux niveaux en sous-sol et construire un bâtiment dans le bâtiment. »
Le Domaine de l’Observatoire, terminé en 2017 présente un gabarit assez similaire à celui de l’ancienne Clinique, mais offre un tout autre visage. Les murs gris ont laissé place à des façades en pierre blanches agrémentées de terrasses et la végétation a gagné du terrain grâce aux jardins imaginés par le bureau d’architecture paysagère Wirtz. A l’intérieur, les bâtiments accueillent désormais 117 appartements de standing de 1 à 3 chambres. Philippe Weidner résume le Domaine de l’Observatoire comme « un bâtiment énergétiquement très performant situé dans un cadre exceptionnel et champêtre ». Cet environnement préservé est en effet l’atout majeur du site, et c’est d’ailleurs ce qui a séduit les développeurs comme les nouveaux occupants de l’ancien site des Deux Alice.
Années 2010 et 2020
Transformation en cours pour Edith Cavell
C’est un déménagement qui a fait grand bruit. Fin 2017, la Clinique Edith Cavell a délocalisé ses activités dans les tous nouveaux locaux du CHIREC sur le site Delta, à Auderghem. Ce regroupement avec la Clinique du Parc Léopold au sein d’un nouveau site unique a été jugé plus pertinent que la rénovation des deux cliniques, notamment parce que les bâtiments de celles-ci étaient anciens et leur situation compliquait leur extension. Sur le site historique d’Edith Cavell, il ne reste désormais plus qu’un centre médical à la rue Général Lotz.
Les bâtiments des rues Edith Cavell et Marie Depage accueilleront bientôt de nouveaux occupants après leur transformation en logements. « Comme le déménagement de la clinique n’était pas directement suivi d’un chantier, notre crainte était que cet endroit devienne un chancre au cœur d’une zone dense », confie l’échevin Jonathan Biermann. « Nous avons donc travaillé pour éviter que les procédures s’enlisent et prennent du temps, et nous sommes satisfaits que les travaux aient débuté rapidement. »
Le site de l’ancienne clinique Edith Cavell est en cours de transformation et va devenir un ilot résidentiel plus aéré et plus vert, notamment grâce à la création d’un jardin central. A terme, l’endroit mêlera plusieurs fonctions dont des parkings, 1.000 m2 de commerces et environ 150 logements qui seront répartis dans cinq entités indépendantes. La surface bâtie passera de 25.000 à 20.000 m2 grâce aux différentes transformations et démolitions des constructions existantes.
Les premiers appartements devraient être livrés début 2022, alors que les 77 logements du bâtiment central Cavell Court, développé par Burco et AG Real Estate, seront finalisés pour l’été. Ils ont tous déjà trouvé acquéreurs ! Cavell Court est un projet passif agrémenté de systèmes intelligents, d’équipements et de services comme une salle de sport, une conciergerie, des caves à vin, des parkings et boxes à vélo sécurisés… Bref, une fois de plus les développeurs ont misé sur des habitations de qualité et d’un certain standing, avec des superficies qui débutent à 70 m2. Les charges d’urbanisme de Cavell Court contribueront néanmoins à implanter 3 ou 4 logements publics dans un immeuble voisin qui a été transformé par les développeurs et cédé à la commune.
« Les charges urbanistiques d’un autre projet dans le quartier serviront à financer les finitions de ces logements, qui apporteront davantage de la mixité sociale », précise Jonathan Biermann. La commune était surtout attentive à ce que le projet ne comporte pas que des logements : « Pour conserver de la vie dans les quartiers, nous préférons les développements avec une mixité de fonctions là où le PRAS le permet. Dans le cas de Cavell, il était très important qu’un équipement comme la polyclinique soit maintenu« .